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bienfaits de l’association, et il se défie de toutes les entreprises dont l’initiative part des classes qui possèdent. Il est disposé à tout demander à l’état, et c’est une tendance que le prince de Bismarck favorise de tout son pouvoir.

En ce qui a trait aux logemens ouvriers, le gouvernement a pris l’initiative et donné l’exemple près des mines qu’il exploite lui-même. Pour engager ses employés à se construire des habitations, il a organisé un système de primes qui leur donne de grands avantages. Il leur concède le terrain à titre gratuit, et leur fait des avances remboursables sans intérêt et par annuités, de façon qu’ils peuvent s’acquitter en huit ou dix ans. Ce système a permis à la population ouvrière du bassin de Saarbrück de se construire, de 1842 à 1871, 3,081 maisons. Pour couvrir la dépense, l’état a fourni, par ses primes, 2,293,000 francs, par ses avances, 1,130,000 francs, et la caisse de prévoyance 2,536,000 francs. Cet exemple a été suivi par les chefs d’industrie, dans la vallée du Rhin et dans la Prusse orientale. Autour des usines, on voit se grouper des maisonnettes confortables dues à la sollicitude et à la libéralité des patrons.

L’entreprise la plus considérable qui ait été réalisée dans ce sens est celle de Krupp, à Essen. Cette fabrique a pris, depuis le commencement du siècle, un développement égal à celui de notre usine du Creusot. C’est en 1810 qu’elle a été fondée, et, en 1848, elle n’avait encore que 72 ouvriers. Au recensement de 1881, elle en comptait 19,605, composant, avec leurs familles, un total de 65,381 personnes. Sur ce nombre, 18,698 sont logées dans des habitations appartenant à la maison Krupp. Pour ne pas augmenter la dépense et pour grouper tous les ouvriers autour de l’usine, on a adopté le système de la maison collective. Chaque bâtiment renferme de 2 à 16 logemens ; mais chacun d’eux est complètement isolé, quoique la porte d’entrée soit commune. Ils contiennent de deux à quatre pièces et coûtent, en moyenne, 150 marks de loyer (187 fr. 50); ce prix n’est pas trop onéreux, dans un établissement où le salaire annuel oscille entre 1,000 et 1,125 francs. Pour les ouvriers célibataires, on a construit de véritables casernes, dans lesquelles ils sont logés gratuitement et nourris à très peu de frais. L’usine Krupp a créé des institutions de bienfaisance semblables à celles qui fonctionnent dans nos grands établissemens manufacturiers.

Au Danemark, les associations de construction ont mieux réussi qu’en Allemagne. A Copenhague, depuis 1860, on est parvenu à fournir des logemens à 4 pour 100 de la population tout entière et à 13 pour 100 des classes indigentes. En dehors de Copenhague, M. Hansen, secrétaire de la chambre de commerce de Kiel, a constaté, en 1877, qu’il existait des sociétés de construction florissantes