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la paix et entra en négociations avec le duc de Rohan. Il passa en Languedoc pour réduire le Pouzin et Bays, et envoya le président du Gros à Montpellier. Rohan fit bon accueil à cet envoyé, ce dont le parti populaire prit de l’ombrage. Quelques fanatiques pénétrèrent dans la maison du président du Cros, le percèrent de coups et le tuèrent sur place. Le duc de Rohan éprouva un mortel regret d’un si grand crime et fit un rigoureux exemple des coupables. Cependant Lesdiguières pressait vivement le siège du Pouzin et repoussait un secours de 500 hommes que le duc de Rohan avait envoyés à Blacons, lieutenant-général en Vivarais. Trois assauts furent repoussés; mais Rohan, voyant la ville perdue, renoua la négociation commencée par du Gros. Son agent, M. des Isles-Maisons, trouva Lesdiguières à Loriol, et put assister à un des assauts livrés au Pouzin. Il portait des instructions qui lui prescrivaient de dire à Lesdiguières que M. de Rohan avait les pouvoirs de l’assemblée de La Rochelle pour faire la paix, que les conditions de la paix seraient l’observation de l’édit de Nantes, la continuation des places de sûreté et l’oubli du passé. Lesdiguières lui répondit que l’assemblée de La Rochelle avait été fatale aux églises, et plaignit fortement le duc de Rohan de servir la cause de gens sans raison. M. des Isles put communiquer avec les assiégés, et, après une trêve de quelques heures, la ville capitula aux conditions les plus honorables. Le Pouzin, Bays, conservèrent des gouverneurs protestans. Il fut convenu que Lesdiguières rendrait le Pouzin si l’on ne pouvait faire une paix générale.

Lesdiguières et Rohan signèrent des articles de paix au commencement d’avril. Dans un mémoire que le premier envoyait peu après au duc de Savoie, nous trouvons ces mots : « Pour l’entreveue de M. de Rohan et de nous, elle est faitte fort franchement, estant demeurez très bons amys et de bonne intelligence, ayant recogneu en luy un très grand désir de la paix, et, quoy qu’on die, très bon serviteur du roy... Le Roy veut que les nouvelles fortifications soyent rasées, excepté La Rochelle et Montauban; l’église consent qu’elles soient rasées, excepté Sainte-Foy, Gastres, Nismes, Montpellier et Uzès, où elles accordent le razement d’un bastillon en chascune ; mais je croy que le roy se contentera qu’on en raze deux tours; assemblées deffendues sans permission du roy, à peyne de crime de leze majesté ; les sinodes et les coloques se tiendront, suivant l’édict, en présence d’un magistrat royal[1]. »

Les députés chargés de porter au roi les articles de la paix ne le trouvèrent plus à Paris; Rohan raconte dans ses Mémoires que les

  1. Actes et Correspondance, t. II, p. 356.