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Rome d’excellens livres. L’Histoire des Romains de M. Duruy, d’une érudition à la fois abondante et contenue, claire et précise, est un de ces ouvrages de bonne foi qui portent l’empreinte de toute une vie et de tout un caractère. On y trouve le dernier progrès accompli chez nous au point de vue de l’histoire générale. Mais l’auteur lui-même, par certains appendices où il traite savamment des questions spéciales, a donné le conseil et l’exemple des recherches ultérieures aux jeunes maîtres sortis, soit de cette école des hautes études, qu’il a fondée précisément pour ce genre de travaux, soit des écoles d’Athènes et de Rome. Cette dernière, l’école française de Rome, n’a pas encore quinze ans ; mais on peut voir, rien qu’à parcourir la liste de ses publications, qu’elle a contribué pour sa bonne part à élever le niveau des études sur l’antiquité romaine. Au reste, les heureux et louables efforts n’ont pas été dus seulement à nos écoles savantes. En tête de la jeune génération se sont placés, en dehors de ces groupes, des maîtres éminens, parmi lesquels un véritable historien, à l’esprit original et inventif, Émile Belot, se trouvait fort en vue.

Enlevé prématurément, il y a dix-huit mois à peine, à l’Académie des Sciences morales et politiques, qui venait de l’accueillir, à l’Université, qu’il servait si bien par ses leçons et ses livres, Émile Belot a été, quoique humble et modeste, un actif initiateur. Membre de cette vaillante faculté des lettres de Lyon qui, d’accord avec son doyen, M. Heinrich, n’avait pas attendu les réformes officielles — ce n’est que justice de le rappeler — pour organiser un enseignement pratique, Émile Belot s’est donné à cette tâche avec une vivacité d’esprit, une chaleur de cœur, un sentiment de patriotisme, qui ont été pour beaucoup dans le succès obtenu en commun. Il prenait en sérieuse affection les jeunes maîtres, candidats à nos concours d’agrégation, groupés autour de sa chaire. On l’a vu accueillir sous son toit et à sa table, pendant leurs congés, ceux d’entre eux qu’il savait pauvres, ceux qui, chargés eux-mêmes de quelque humble enseignement dans les lycées ou collèges de la circonscription, venaient à grand’peine, voyageant la nuit, profiter une fois la semaine des leçons et des conférences de la faculté. Cet honnête homme croyait, en agissant de la sorte, travailler au relèvement de la patrie, et il ne se trompait pas.

Émile Belot a laissé, entre autres ouvrages, une Histoire des chevaliers romains, en deux volumes, qui suffit à sa renommée. C’est un de ces livres qui, par une science sévère et des vues personnelles d’une réelle valeur, ajoutent au domaine des connaissances acquises ou tout au moins provoquent l’étude avec la réflexion. L’auteur avait placé très haut le but qu’il se proposait : « l’Histoire des