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en même temps que fermiers de l’état, ils ont placé dans les fermes par eux souscrites, puis sous-louées à des colons, les fonds de ces communes, qui devenaient ainsi comme autant de compagnies financières, intéressées sans doute à la politique générale et à une bonne administration publique, mais tentées peut-être aussi de calculs particuliers et de spéculations dangereuses.

L’abus est voisin du triomphe. Livrer aux chevaliers devenus fermiers-généraux et traitans la domination dans les tribunaux, c’était assurer l’impunité à leurs agens et à eux-mêmes. Ils abusèrent des jugemens comme les sénateurs abusaient du gouvernement des provinces. Les deux ordres, naturellement et plus que jamais ennemis, s’entendirent pourtant, mais en vue d’une sorte de pillage, et pour faire échec aux propositions de lois agraires, protectrices de la petite propriété. Ils ne s’unirent pas, comme Cicéron le demandait finalement, pour le seul intérêt de combattre les ambitions et de sauver la république.


Nous n’avons pas à suivre en détail l’histoire des chevaliers romains, qu’Emile Mot poursuit jusque sous l’empire ; mais nous ajouterons un trait à ce tableau de la puissance financière transformant la société romaine, si nous découvrons d’autres classes encore que les sénateurs et les chevaliers parvenant à la vie politique, dans les cadres mêmes que l’organisation du cens leur avait préparés. Or, après diverses vicissitudes du droit de judicature, accordé, puis enlevé à l’ordre équestre, une loi proposée par le tribun Aurélius Cotta, en 70, partagea ce même droit entre le sénat, les chevaliers et les tribuns du trésor. Qu’étaient-ce que ces nouveau-venus, ignorés jusque-là dans l’histoire de Rome, dont on ne saura plus rien après César, et qui, subitement, arrivaient au partage d’une des plus hautes prérogatives ? La réponse est difficile, faute de textes. Ces tribuns du trésor, — désignés peut-être ainsi d’une ancienne fonction financière dont ils étaient revêtus, — paraissent avoir représenté une des classes censitaires, immédiatement inférieure à celle des chevaliers, et au-dessous de laquelle on aperçoit encore une autre classe, celle des « ducénaires, » c’est-à-dire des citoyens n’ayant pas moins de 200,000 sesterces. Les tribuns du trésor seraient, à ce compte, des « trécénaires, » comme les chevaliers étaient des « quadringénaires, » à cause de leurs 400,000 sesterces, équivalons à 1 million d’as (86,000 francs).

On reconnaît les anciennes catégories, avec le même cens qui a été fixé depuis les grandes réformes du IIIe siècle. Il semble seulement que quelques-unes des classes, non signalées par les historiens jusqu’alors, aient obtenu seulement dans le dernier siècle