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de pureté religieuse. L’attrait de sa beauté fut toujours très vif, et il l’est encore jusque dans les imitations que nous en possédons. « l’Olympe, dit une épigramme de l’Anthologie ne possède plus la déesse de Paphos; elle est descendue à Cnide; » et l’on conte que, Nicomède de Bithynie ayant offert aux Cnidiens de payer toutes leurs dettes en échange de leur Vénus, ils refusèrent.

Scopas n’eut pas les scrupules qu’on a prêtés peut-être à Praxitèle : dans le temple de Mégare, il entoura Aphrodite de trois statues, l’Amour, le Désir, la Persuasion. C’était bien le temps où l’on dit qu’une courtisane fameuse pour sa beauté, Phryné de Thespies, avait un rôle dans les fêtes d’Eleusis et sortait des flots en Vénus Anadyomène ; le temps aussi où la Grèce, ne redoutant plus le Mède et pas encore le Macédonien, demandait à l’art et à la vie toutes les grâces et toutes les voluptés.

De Praxitèle, nous avons les copies de l’Apollon Sauroctonos et de la Vénus de Cnide, pour laquelle Phryné posa devant l’artiste. Mais nous n’avons, semble-t-il, que des imitations éloignées de ses Eros, représentant l’éphèbe olympien, « qui vit parmi les fleurs, » et de son Satyre, à moins que le torse trouvé sur le Palatin n’en soit un fragment. On conte qu’il avait promis à Phryné une de ses œuvres. Pour savoir celle que le maître préférait, elle lui fit annoncer, un jour, que son atelier brûlait. « Sauvez, s’écria-t-il, l’Eros et le Satyre. » Elle prit le premier qui, de tout point, lui convenait, et elle le consacra dans un temple de Thespies. Deux des plus heureuses découvertes récemment faites sont des bas-reliefs trouvés à Mantinée, œuvre inspirée sans doute par Praxitèle, et son Hermès découvert à Olympie, à la place où Pausanias l’avait vu.

Praxitèle, et c’est son plus grand charme, ne dépassa point la grâce pour aller jusqu’à l’expression trop vive de la passion : ses personnages gardèrent la réserve et la mesure qui furent le caractère du génie grec à ses beaux jours. De Scopas, il ne nous reste rien ou peu de chose, à moins que la Vénus de Milo ne soit de lui : dans ce cas, il serait un des premiers sculpteurs de la Grèce, et il devrait être mis à côté de Phidias. Il semble que l’Apollon du musée Pio-Clementino soit une copie de son Apollon citharède à qui Auguste éleva un temple dans sa demeure du Palatin. Ce n’était pas le dieu superbe qui tue le serpent Python, et qu’à Rome, autour de l’empereur, on pouvait honorer comme le destructeur des monstres de la guerre civile, mais le dieu des arts et de l’harmonie, celui qui conduit le chœur des Muses, et dont Auguste fit le symbole de la Paix romaine qu’il voulait assurer au monde. L’Apollon du Belvédère passe pour être, sinon de Scopas, du moins de son école. Pline regardait comme le chef-d’œuvre