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personnelles. On veut être prêt à se défendre contre les ennemis de l’intérieur. Thiers a profité de toute cette agitation pour faire fortifier Paris, et parce qu’il a besoin d’avoir l’opinion publique pour lui, il a fait croire aux Français qu’il voulait faire une guerre aux étrangers, tandis qu’il veut Voir Paris fortifié en vue des révolutions intérieures… » Ce n’était sans doute que l’indiscrète malignité d’une grande dame toujours peu bienveillante pour le gouvernement de 1830. Le seul point vrai était que le roi : sensible à une injure, sincère dans ce qu’il faisait ou laissait faire pour la défense du pays, mais prompt à saisir la gravité de lui situation, ne voulait pas aller jusqu’à la guerre. Le chancelier, de son côté, peu soucieux de rester à la remorque de lord Palmerston et de l’empereur Nicolas, accoutumé à être un arbitre de diplomatie, ne voulait pas non plus la guerre. L’un et l’autre, le souverain français et le chancelier d’Autriche, se retrouvaient d’accord pour sauvegarder la paix, et M. de Metternich, qui n’ignorait pas les sentimens de Louis-Philippe, qui connaissait aussi les difficultés de sa position, pouvait écrire : « Que le roi, en tout état de cause, ne se laisse pas accabler par les embarras de sa situation. Il défend la cause de l’ordre ; dès lors, tous ceux qui veulent l’ordre sont de son parti. Comme je soutiens la même cause sur un-terrain dont je ne connais pas les limites, nous devons nous rencontrer dans nos intentions… »

De l’excès même de cette crise à la fois extérieure et intérieure, de la situation violente créée par trois mois d’agitations belliqueuses et révolutionnaires, sortait la seule solution qui convînt au roi, qui pût aussi plaire au chancelier : un changement de politique par un changement de ministère ! Le fait est que M. de Metternich se sentait singulièrement soulagé le jour où M. Thiers, le ministre des émotions nationales, de la guerre en perspective, était remplacé par M. Guizot, arrivant au pouvoir le 29 octobre 1840, « pour rétablir au dehors la bonne intelligence entre la France et l’Europe, pour faire rentrer, au dedans, dans le gouvernement l’esprit d’ordre et de conservation… » Par l’acte hardi qu’il venait d’accomplir, le roi montrait que, s’il était « endurant, » comme il le disait à M. Apponyi, c’est qu’il savait mettre la paix du monde au-dessus de ses ressentimens personnels et d’une popularité d’un moment. Le chancelier d’Autriche né méconnaissait pas le prix de cette courageuse sagesse, et, sans se séparer de ses alliés du 15 juillet, il mettait aussitôt tous ses soins à limiter l’exécution du traité de Londres contre Méhémet-Ali, aménager la France dans son protégé. Il cherchait les moyens de faire cesser l’isolement de la France en lui donnant quelque satisfaction. « Je reconnais, écrivait-il à M. Apponyi, la nécessité que le gouvernement puisse dire au pays : C’est