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sur les événemens contemporains, nous devons faire à ces deux illustres penseurs une part différente. Le Stagirite nous occupera moins que le poète théologien qui fut le précurseur du christianisme.

En 359, date où l’histoire nous a conduits, Platon était âgé de soixante-dix ans, mais il conservait la plénitude de son brillant génie, sa divine élégance et sa mélodieuse parole ; Aristote en avait vingt-cinq et n’avait encore rien écrit. Sa vie scientifique appartient donc, suivant la chronologie, à la période suivante; mais il est impossible de le séparer de Platon, quoiqu’il l’ait souvent combattu.

Il naquit, en 384, à Stagire, ville de la Chalcidique, et son père était un Asclépiade, médecin du roi de Macédoine, Amyntas II. Élevé à la cour de ce prince et ayant à peu près le même âge que Philippe, le plus jeune des fils d’Amyntas et son futur héritier, il se lia avec l’enfant royal d’une amitié que Philippe transmit à Alexandre. A dix-sept ans, il se rendit à Athènes, qui restait la commune patrie de tout ce qu’il se trouvait d’hommes distingués en Grèce. Durant vingt années, il y écouta Platon ou ses émules, et pendant treize années encore, de 335 à 323, il y enseigna. On serait donc autorisé à mettre son nom sur la liste des grands Athéniens. Car, si le hasard lui fit voir le jour sur les côtes de la Thrace, il est né à la pensée aux bords de l’Ilissus. A la mort du fondateur de l’Académie, il quitta Athènes, et, cinq ans après, il fut appelé par Philippe auprès d’Alexandre, alors âgé de treize ans. Le plan d’éducation qu’il arrêta était excellent et le serait encore aujourd’hui. Ce philosophe, l’homme le plus savant de la Grèce, enseigna d’abord à son élève les lettres étudiées dans les poètes et dans les orateurs ; puis la morale cherchée dans la tradition et dans la nature humaine; enfin, la politique éclairée par l’histoire et l’examen des constitutions de divers états. Les sciences naturelles, ou la terre et ses productions; la physiologie, ou l’homme et les êtres vivans; l’astronomie, ou le ciel et les mouvemens des astres, ne vinrent qu’en second lieu. Il avait compris qu’il fallait d’abord exercer la mémoire, le goût, le jugement, les facultés, en un mot, qui sont tout l’homme, et n’aborder les sciences, lesquelles sont des applications de l’esprit, qu’après avoir formé l’esprit même, et développé une force capable d’être utilisée dans toutes les conditions de la vie et dans toutes les recherches scientifiques.

Revenu à Athènes, en 352, il ouvrit son école du Lycée, à côté du temple d’Apollon Lycéios, dans un des gymnases de la ville que Pisistrate, Périclès et Lycurgue s’étaient plu à embellir. Il avait alors cinquante ans et toute la maturité de son génie ; durant treize