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mystère ! Le plus heureux probablement aura été l’alcade de Barcelone, qui a eu la bonne fortune d’avoir, pour l’ouverture de l’exposition, toutes les pompes réunies : le bruit du canon, l’éclat du cortège royal, les pavillons de toutes couleurs flottant dans le port. Les Catalans ont eu le plaisir du spectacle. Les nouvellistes et les polémistes de l’Europe, quant à eux, en sont pour leurs frais d’imaginations et de prédictions à perte de vue !

Les escadres étrangères ont aujourd’hui quitté les eaux de Barcelone en tirant leurs dernières salves. Il reste un événement qui, en réalité, a un double intérêt pour l’Espagne, un intérêt politique et un intérêt industriel. L’intérêt politique est dans le voyage même de la reine Christine. Jusqu’ici, la régente, la mère du jeune roi Alphonse XIII, n’avait pas visité la Catalogne, et c’était une question de savoir comment elle serait reçue par ces fières et ardentes populations du littoral catalan, par cette ville de Barcelone si animée, si industrieuse, toujours un peu républicaine par ses traditions locales, par son humeur et ses goûts d’indépendance. La reine Christine s’est arrêtée à Saragosse avant d’arriver à Barcelone ; elle va aussi visiter Tarragone et Valence : partout où elle a passé, elle a visiblement séduit par sa dignité simple et gracieuse, par son tact, par le soin qu’elle met à s’effacer devant ce petit roi en visite dans une partie de son royaume. Sans aucune affectation, elle sait se conformer à tous les usages, à tous les cultes espagnols. On peut dire qu’elle a réussi à Barcelone, auprès des rudes Catalans, comme elle avait réussi l’an dernier dans les provinces basques. Elle s’est fait une honnête et saine popularité, qui est certainement une force pour la monarchie espagnole, et c’est là justement ce qu’on peut appeler l’intérêt politique de ce voyage en Catalogne, auquel la présence des escadres étrangères est venue donner un éclat de plus, fait pour flatter la fierté nationale. L’intérêt industriel est dans cette exposition même qui vient de s’ouvrir à Barcelone, qui est la première de cette nature et de cette importance au-delà des Pyrénées. Telle qu’elle est, cette exposition de Barcelone peut ne point avoir les proportions et l’éclat d’autres expositions plus grandioses. Elle a du moins le mérite d’être une œuvre spontanée due à l’initiative et à l’activité intelligentes de ceux qui en ont eu l’idée, accomplie sans le secours et sans la protection de l’état. Elle est de plus la manifestation visible et brillante des progrès accomplis depuis quelques années dans un pays qui a tant de richesses naturelles, et qui n’a besoin que d’un gouvernement réparateur, libéral, pour s’élever par le travail au rang des pays les plus prospères.


CH. DE MAZADE.