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par un homme de guerre. S’avançant vers Autony avec sa cavalerie, La Motte-Houdancourt fit traverser la Bièvre aux voitures qui, par Chevilly et Villejuif, purent gagner Paris. Le pont fut coupé. Les frondeurs, vivement poussés, rentrèrent assez en désordre ; mais le convoi était sauvé. Le duc de Beaufort ayant été un moment enveloppé durant cette escarmouche, le bruit de sa mort, aussitôt répandu, émut la foule qui attendait l’issue de la journée. Lorsqu’on le vit reparaître, l’acclamation fut générale. Et quand La Motte arriva, dernier combattant de l’arrière-garde, personne ne fit attention au véritable héros de la journée.

M. le Prince prenait ses mesures pour se saisir d’un poste dont l’occupation devait, plus que toute autre, arrêter l’approvisionnement de Paris. Brie-Comte-Robert tenait pour la Fronde ; c’était le lieu de rassemblement, le point de départ des charrois qui réussissaient à pénétrer dans la capitale. Chargé de battre les environs avec un fort parti de cavalerie, Grancey dispersa les escadrons ennemis, enleva force voitures et, soutenu d’infanterie, s’empara de la ville. Il y avait là une petite citadelle qui se rendit le 28 février. Toutes les grandes routes étaient fermées.


IV. — LA FIN DE RANTZAU. — LA DEFECTION DE TURENNE. — PAIX DE RUEIL. (MARS).

Paris commençait à souffrir, entrait dans la période des hallucinations, des alternatives fiévreuses, découragement ou folle espérance, rage ou abattement. Tous les jours rumeurs nouvelles, apparition de secours fantastiques, bruits de succès imaginaires, de délivrance assurée ; les plus sages les acceptent. On demande des sorties en masse : « M. de Beaufort a été arraisonné par une troupe de bourgeois demandant pourquoi on ne les menait pas au secours de Brie-Comte-Robert ; ils iraient cent mille hommes[1]. » Puis les violences : magistrats menacés, frappés même, « maltraités d’effet et de paroles[2]. » — « Nous ne serons pas en peine désormais d’aller contre les frondeurs, dit M. le Prince ; ils n’ont pas attendu à estre battus par moi ; ils l’ont voulu estre par le peuple. » Complétez le tableau par les lugubres récits d’Angleterre, le procès, la mort du roi, dont la veuve languit dans le Louvre, sans feu, sans habits, presque sans

  1. 26 février. Journal de Dubuisson.
  2. 28 février. Ibid.