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doit garantir la France des invasions par le Nord ; question vitale, constant souci de nos rois ; grand problème que la création d’un état neutre en Belgique a pacifiquement et définitivement résolu.

Les Espagnols étaient tout gonflés, triomphaient surtout de la défection de Turenne, dont le dénoûment n’était pas encore bien connu, Vautorte étant retourné trouver Peñaranda à Bruxelles (car on n’avait pas cessé de négocier), celui-ci déclara qu’avant de parler de paix, il fallait rendre la Catalogne, Arras, Dunkerque, Piombino et Porto-Longone, rétablir le duc Charles en Lorraine, abandonner les gages comme les conquêtes, sans compensations, détruire toute l’œuvre de Louis XIII, renoncer aux fruits des victoires qui jetaient tant d’éclat sur la minorité de Louis XIV.

Grâce à un puissant secours d’argent envoyé d’Espagne, Léopold a pu accomplir le rêve de Mazarin, enrôler sous la bannière du roi catholique nombre de chefs, de soldats, que la paix de Munster[1] laissait sans emploi, plusieurs régimens de cavalerie allemande, tout le corps formé par le duc Ulrich de Wurtemberg ; Lamboy vient de lui amener ses vieilles bandes. Dès le 16 mars, l’archiduc est à Cambrai, poussant des partis vers Paris, cherchant à ranimer l’ardeur des insurgés ; mais c’est du côté de la Flandre maritime qu’il compte profiter de notre désarroi ; c’est aux places dégarnies qu’il en veut. Saint-Venant, sur la Lys, et l’importante forteresse de Knoque, qui tenait tant au cœur de Condé, sont enlevés à la fois (25 avril) ; Ypres est attaqué (11 avril), et, comme M. le Prince l’avait prévu, a il arriva cette fois à M. de Palluau le même accident qu’à Courtrai[2] : » la place fut prise pendant que le gouverneur guerroyait ailleurs ; cette fois le lieutenant-de-roi, Beaujeu, ne se laissa pas surprendre et prolongea pendant un mois sa très honorable défense[3]. On avait des craintes sérieuses pour Dunkerque ; là comme ailleurs, les Suisses, qui faisaient le fond de la garnison, laissés depuis longtemps sans solde, refusaient le service et mettaient bas les armes.

Cependant les troupes retenues autour de Paris, et que le traité de Rueil rend disponibles, sont dirigées vers la frontière ; d’autres s’avancent appelées d’Allemagne. Quand enfin tout le détail de la

  1. Ou traités de Westphalie, conclus entre l’Empire, la France et ses alliés, sous le coup de la bataille de Lens. La guerre continuait entre le roi très chrétien et le roi catholique, souverain des Pays-Bas.
  2. Paluau était gouverneur de Courtrai, lorsqu’en son absence cette place fut surprise et enlevée d’insulte par l’archiduc, mai 1618. Cet accident donna lieu à beaucoup de récriminations. M. le Prince était alors général en chef de l’armée du Nord. (Voir liv. V, chap. II.)
  3. Il sortit de la place le 10 mai.