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constitutionnelles, mais encore l’influence que ses hautes fonctions lui donnent sur les membres du congrès.

M. Hayes, nommé président à la majorité d’une seule voix, contestée d’ailleurs, parut d’abord vouloir se renfermer dans les strictes limites du pouvoir exécutif, tel que l’admettent les états parlementaires. D’honorables scrupules lui conseillaient peut-être cet effacement volontaire après les scandales inouïs d’une élection sans précédent. Aux critiques immédiates de ses partisans indignés, il dut vite reconnaître sa méprise. Les organes les plus modérés de la presse républicaine reprochèrent amèrement au nouvel élu de déserter ses devoirs professionnels, de trahir la nation et surtout le parti. On lui signifia de reprendre un rôle actif selon les vrais principes et les traditions.

« Dans les deux camps politiques, l’accord est à peu près unanime. Ni la constitution ni le bien du pays ne permettent au président de se réduire à n’être que le simple exécuteur des lois. Son devoir lui ordonne d’agir sur le congrès au sujet des bills en discussion. C’est l’usage consacré depuis si longtemps que les amis du pouvoir attendent, pour s’occuper d’une loi, de savoir ce qu’on en pense à la Maison-Blanche. L’abstention de M. Hayes, son refus d’employer les moyens ordinaires pour diriger les actes des chambres, offensent la coutume établie et causent le désarroi des affaires publiques. Les fidèles de la présidence, ne recevant d’elle ni direction ni mot d’ordre, sont mécontens et démoralisés ; les politiciens émérites trouvent le spectacle choquant ; les patriotes de toutes classes se sentent également découragés, quoique pour des raisons différentes. En fait, dans les conditions actuelles et traditionnelles de l’Amérique, cette situation équivaut presque à l’absence complète de gouvernement[1]. »

Ces moyens ordinaires d’influence qu’on accusait M. Hayes d’abandonner consistent, chacun le devine, dans la distribution des emplois publics. Les Américains ont du moins la bonne foi de l’avouer. Gouvernez avec « le système des dépouilles, » disent-ils à leur président, puisque la méthode républicaine n’admet pas de procédé supérieur. Mais vous nous devez un gouvernement. La république n’étant que la domination alternative des partis, restez le chef agissant du parti qui vous a nommé. C’est de lui que vous tenez le pouvoir ; c’est à lui seul qu’en reviennent de droit les faveurs et les profits.

Sur ce point, les constituons de 1787 ont donc entièrement échoué. Ils rêvaient pour leur premier magistrat le rôle indépendant et

  1. The Nation, de New-York, 7 février 1878.