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la république, suivant eux, est incapable de supporter. Le duel incessant entre le parlement et le cabinet ; l’exécutif ministériel servant de cible à toutes les ambitions rivales ; son existence journellement à la merci des incidens de séance ou des votes les plus imprévus ; ce ne sont là, disent-ils, que les moindres défauts du système. Mais l’attaque et la défense des portefeuilles deviennent le fond de la vie parlementaire ; les affaires publiques se traitent presque uniquement à ce point de vue étroit et personnel ; l’action du gouvernement se trouve faussée ou paralysée ; l’esprit de suite dans la politique et l’administration est remplacé par l’instabilité chronique, au grand détriment du pays. Il faut borner l’énumération des critiques. Aussi bien, les assemblées républicaines, par leurs maladresses et leurs fautes, semblent prendre à tâche de fournir des traits fâcheux au tableau et de justifier les griefs. Le discrédit général atteint jusqu’au parlementarisme anglais, accusé de décadence, après deux siècles de progrès et de triomphes.

Tout n’est assurément pas à défendre dans le régime parlementaire, tel que nous l’avons connu même à ses beaux jours. Mais son équivalent ne sera pas facile à trouver. Et d’ailleurs a-t-il dit son dernier mot ? On ne saurait se passer d’assemblées investies du droit de contrôle, sinon d’initiative.

Les Américains peuvent s’applaudir d’avoir débarrassé le terrain législatif des compétitions de portefeuilles. Cela ne paraît pas suffire à supprimer les cupidités personnelles des législateurs et les manœuvres intéressées des partis. Si l’exécutif n’est pas attaqué de front, ses prérogatives sont-elles à l’abri des menées occultes ? Combien de fois le patronage représentatif et sénatorial n’a-t-il pas contraint le président à capituler ? Les intrigues ne se nouent que mieux dans l’ombre propice des commissions secrètes ou des couloirs du Capitole. Chaque jour les indiscrétions de la presse nous apprennent que les roueries de la coulisse politique n’ont rien à envier aux combinaisons du jeu ministériel et parlementaire.

En dehors de l’empirisme intelligent et du savoir-faire, il serait téméraire de proposer comme exemple le système adopté aux États-Unis. Là, plus qu’ailleurs peut-être, le défaut de la cuirasse est aux points de jointure. Les rapports nécessaires entre l’exécutif et les assemblées, pour la préparation des lois quelconques, s’établissent par l’intermédiaire des comités permanens du congrès et surtout de leurs présidons. Ceux-ci se renseignent auprès des ministres ou des principaux fonctionnaires, soit par correspondance, soit de vive voix dans les bureaux des comités. Il y a peu de règles fixes ; la plupart des communications sont officieuses et irrégulières.

Le président a la faculté d’adresser des messages directs aux