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quelque autre analogue vient fortifier le droit de veto. Les gouverneurs et les maires exercent ainsi une action plus ou moins décisive sur le vote des lois locales et des budgets municipaux.

En Angleterre et dans la plupart des monarchies libérales, l’exécutif ministériel n’est pas non plus livré sans défense à la merci de tous les caprices parlementaires. Il peut, sous certaines conditions mal définies, dissoudre la chambre élective. Mais cette mesure rencontre de grosses difficultés, parfois des périls ; et ses effets semblent moins favorables à l’autorité gouvernementale que ceux du veto américain.

La dissolution d’une assemblée agite profondément l’ensemble de la nation, et touche au vif les intérêts individuels des représentai, comme ceux de leurs cliens et de leurs amis. Le conflit entre le pouvoir exécutif et le parlement se déplace, et prend des proportions dangereuses sur le terrain électoral. Toutes les passions publiques sont soulevées au moment même où le peuple, institué juge du différend, aurait le plus besoin de sang-froid. Le gouvernement se voit forcé de mettre tout son enjeu sur une dernière carte, et d’affronter soudain la grande mêlée des élections. La partie devient trop grave pour que l’on puisse la jouer souvent. C’est la ressource des cas extrêmes.

D’autre part, l’usage du droit de dissolution ne soustrait nullement l’exécutif à la suprématie parlementaire. Cette simple question se trouve posée aux électeurs : quelle est la majorité réelle du pays ? Donne-t-elle raison à la chambre dissoute ou au cabinet ? Mais que la réponse soit favorable ou contraire au ministère qui l’a demandée, celui-ci, lorsqu’il triomphe, ou son successeur immédiat, en cas de défaite, ne reste pas moins sous la tutelle impérieuse de la majorité législative reconstituée. Le parlement, modifié ou non, demeure le maître absolu.

Le veto américain a l’incontestable avantage d’éviter toute mesure extraordinaire d’appel au peuple en dehors des élections régulières, assez rapprochées d’ailleurs pour rendre la résignation plus facile au parti battu. Ce délai permet pourtant à l’opinion publique de se calmer avant l’échéance normale du scrutin. Le débat, circonscrit dans l’enceinte des chambres, ne risque pas d’être grossi et dénaturé par l’intervention confuse des foules ou les excitations intéressées des meneurs. Aucune atteinte directe n’est portée aux privilèges des corps électifs, ni aux situations des représentans. Le président qui refuse sa signature n’exerce qu’un pouvoir négatif. Au lieu de renvoyer les députés devant leurs électeurs, il les invite simplement à délibérer de nouveau, en indiquant ses objections motivées. Le congrès est libre, après examen,