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Reims, sans compter ceux qu’il possédait en Angleterre, notamment à Bradford. Parti de rien, il possédait, en 1886, trois usines gigantesques, occupant 3,660 ouvriers, 547machines à peigner, dont le travail représentait celui de 70,000 ouvriers, et une fortune considérable, fruit de ses persévérans efforts.


IV

Au troisième rang des grandes fortunes du monde, d’après la liste que nous avons reproduite, au premier, à coup sûr, dans l’opinion publique, par la notoriété acquise, par les immenses intérêts qu’il représente, figure le nom de Rothschild. En lui s’incarne la haute banque, cette puissance financière qui eut, dans le passé, des précurseurs sans successeurs, qui ne pouvait naître et grandir que dans nos temps modernes, dans notre siècle de communications rapides, d’emprunts de villes et d’états, de crédit.

Le mécanisme financier des antiques monarchies avait fait son temps ; il ne répondait plus aux exigences multiples d’une organisation politique et sociale nouvelle. Tout discrédité qu’il fût, il valait cependant mieux que l’état de choses qui l’avait précédé, plus intolérable encore en Angleterre qu’en France, parce que, pour les raisons indiquées plus haut, les groupes résistans étaient plus rares et plus clairsemés. Richard Ier examinait sérieusement la question de mettre en vente la ville de Londres pour se procurer l’argent nécessaire à la croisade. Henry III faisait main basse sur les marchandises de sa bonne ville, et, nanti de ce gage qu’il vendait plus tard, empruntait dessus à un taux usuraire, négligeant naturellement de payer intérêt et capital, qu’on n’osait pas lui réclamer. Edouard Ier, sous prétexte de croisade, s’emparait de l’argenterie des monastères ; n’était-ce pas à eux d’en faire les frais ? Il est vrai que, l’argenterie fondue, le roi restait à Londres et dissipait en fêtes, qui n’avaient rien de particulièrement édifiant, les richesses des moines. Edouard IV était, dit l’histoire, le plus séduisant percepteur de son royaume. S’il ne prenait pas l’engagement, bien inutile d’ailleurs, et auquel nul n’eût cru, de rembourser les sommes qu’il sollicitait de l’affection de ses loyaux sujets, il s’acquittait d’avance en embrassant les jolies femmes de ceux qui contribuaient le plus généreusement, et tel était l’enthousiasme qu’inspirait cette condescendance royale, qu’on en cite qui invitèrent leurs époux à doubler leur versement. Henry VI, plus avare de ses faveurs et moins beau, mais logicien consommé, contraignait les gens économes à payer gros, arguant qu’ils devaient avoir des