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ils accueillaient un prisonnier. En résidence à Savone depuis son enlèvement du Quirinal, le saint-père reçut l’ordre de se préparer à un voyage pour rentrer en France. Parti de cette ville le 10 juin 1812, après un pénible voyage, sans aucun repos, il arriva au Mont-Cenis au milieu de la nuit. N’ayant pas quitté sa voiture depuis son départ, l’auguste prisonnier avait contracté une rétention d’urine des plus vives, au point d’inspirer les plus grandes appréhensions aux deux personnes de son entourage, l’évêque d’Edesse Bertazzoli et le médecin Porta-Clara de Termignon. Ce dernier, homme énergique, déclara au commandant de l’escorte qu’il fallait au malade trois jours de repos, sans quoi il n’aurait plus qu’un cadavre à transporter en France. Le commandant transmit cette nouvelle au gouvernement de Turin, en demandant s’il devait s’arrêter ou poursuivre sa route. On lui répondit d’avoir à exécuter ce qui lui avait été ordonné. Le malade resta trois jours au Mont-Cenis, trois jours pendant lesquels le passage fut interdit et la barrière fermée ; dans la matinée du 14 juin, il reçut l’extrême-onction, et la nuit suivante on lui fit continuer son voyage. On marchait jour et nuit. Le 20 juin, le pape arriva à Fontainebleau, après avoir résisté à toutes les barbaries, mais dans un état de santé si peu satisfaisant qu’il dut garder le lit pendant plusieurs semaines.

Sur la fin de l’empire, Napoléon conçut de grandes idées au sujet du Mont-Cenis. Il prescrivit, le 22 mai 1813, sur le champ de bataille de Wurschen, l’exécution sur le Mont-Cenis d’un monument colossal destiné à perpétuer le souvenir des victoires remportées dans cette mémorable campagne. Il voulait que ce monument fût en marbre de Maurienne, et se proposait de concentrer en ce lieu une population plus considérable, en y bâtissant une petite ville réservée aux vétérans de l’armée d’Italie. Le journal officiel du même jour contenait un décret de Marie-Louise, impératrice régente, qui consacrait 25 millions à l’exécution de ce monument, avec la nomination d’une commission chargée d’en présenter le projet. L’année 1814 survint, le Mont-Cenis fut abandonné à la Sardaigne, et les merveilleux projets de l’empire n’eurent d’autre sort que l’oubli.

Sous le gouvernement consulaire, en 1801, la direction de l’hospice du Mont-Cenis fut confiée à dom Gabet, ex-abbé de Tamiers. Ses religieux suivaient la règle de saint Benoît et en portaient l’habit. Le prince Eugène leur témoignait un grand intérêt, comme en fait foi la correspondance déposée dans les archives de l’hospice. Dom Gabet recourait toujours avec avantage à la protection personnelle du vice-roi d’Italie dans les rapports de son établissement avec le ministère de la guerre, auquel il était rattaché.