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ses élémens nécessaires, n’a rien de bas. Oyez plutôt ! La fée Urgèle se traîne par les bois, victime d’un enchanteur : elle a été transformée en vieille femme. Pour secouer le sortilège, ce qu’il lui faut, avant une heure,


C’est le premier baiser d’un jeune être innocent.


Elle aperçoit Pierrot, entré sous l’ombrage pour s’offrir un gentil régal :


Je vous savourerai, vin rose, et toi, galette,
Aux parfums des muguets et de la violette !


Elle suppose que « dans son cœur le lis fleurit encore ; » elle lui demande une faveur, sans dire laquelle ; il jure de la lui accorder :


Oui, par ma sœur, la neige, et mon frère, le cygne ! ..


Il hésite cependant, lorsqu’il sait ce qu’il a promis,


Lui qui, tremblant oiseau, n’a pas su se poser,
Et qui n’a pas connu la douceur du baiser…


Bah ! il se décide, par charité ! .. Or, au toucher de ses lèvres, la déplorable commère devient une radieuse petite princesse. Elle déclare aussitôt qu’elle veut regagner le royaume aérien, où l’attendent ses sœurs. Pierrot, cependant, souhaite qu’elle lui rende avec usure son baiser. Vainement elle objecte sa race et les délices de sa patrie :


Et je m’endors la nuit dans une perle creuse !


Pierrot la somme de rester sur terre et d’être sa femme ; peu à peu il la persuade. Par un caprice honorable, elle veut se marier selon les lois humaines ; il la rassure : le notaire sera ce merle,


Qui par là se promène avec son habit noir ;


les témoins seront ces bouleaux ; les parens,


ce seront ces chênes très anciens,
Vêtus de mousse. — Bon. Mais les musiciens ?
Il en faut pour le bal. Je n’en vois pas. — Mais, ange !
Nous les avons, c’est la fauvette et la mésange,
Et, lorsque tombera la nuit, les rossignols…


Hélas ! Une autre mélodie passe dans le feuillage : c’est le chœur des