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se laisser surprendre par les événemens. Mieux vaudrait mille fois s’arrêter en cela comme en tout dans l’intérêt du pays, que personne n’a le droit d’oublier un seul instant !

Tout se réunit en effet, aujourd’hui plus que jamais, pour tenir la France en éveil, pour lui montrer le danger de se laisser aller à l’esprit d’aventure, de toucher à ses institutions militaires, à son organisation financière, à tout ce qui peut faire sa force. Ce qu’on ne ferait pas par ce sentiment de mesure qu’un grand pays doit toujours mettre dans le gouvernement de ses affaires, qu’on le fasse au moins par le plus simple sentiment de conservation nationale et de défense. M. le ministre de l’instruction publique, qui ne recule pas devant les paroles inutiles, revendiquait récemment pour la France l’honneur d’offrir au monde le spectacle d’une démocratie de trente-six millions d’hommes se gouvernant librement, en paix avec elle-même et avec les autres. C’est possible, cela viendra peut-être, on n’en est pas encore là. Pour le moment, si l’on pouvait douter de l’intérêt pressant, de la nécessité qu’il y a pour notre pays à se surveiller sans cesse, à se défendre des réformes aventureuses, des expériences plus ou moins démocratiques, on n’a qu’à Voir l’état de l’Europe ; on n’a qu’à considérer, sans illusion et sans faiblesse, cette situation qui se dessine devant nous, autour de nous, en traits de plus en plus saisissans.

On ne peut s’y méprendre, il y a un travail profond, calculé, multiple, dont l’unique objet est de nous cerner, de nous isoler. C’est la signification sensible, frappante de tous ces faits qui se succèdent depuis quelque temps, de cette police prohibitive organisée par l’Allemagne sur les Vosges, aussi bien que de cette manifestation assez imprévue du président du conseil hongrois, qui, un moment, est devenue un incident. À tout cela, la France ne peut répondre que par un redoublement de prudence. Évidemment, même dans les limites de cette prudence, il y a des heures où l’on ne peut pas laisser tout passer. Notre gouvernement ne pouvait pas laisser dire que les pavillons étrangers risquaient de n’être point en sûreté à Paris, qu’il pourrait y avoir d’ici à un an quelque guerre dont on semblait d’avance attribuer la pensée et la responsabilité à la France. Sans rien exagérer, notre ministre des affaires étrangères a dû nécessairement chercher à savoir auprès du chef de la diplomatie autrichienne ce que signifiait ce langage : il a obtenu la seule explication qu’il attendit sans doute, l’assurance qu’il n’y avait ni intention d’offense, ni animosité contre la France, — assurance que le président du conseil hongrois a renouvelée depuis devant son parlement. M. le ministre des affaires étrangères, dans les explications qu’il a données lui-même devant notre chambre, a mis une sage et habile mesure, évitant de répondre à des accusations injustes par des récriminations inutiles, à des excès de langage par d’autres excès ; il s’est même montré plus diplomate qu’on ne s’y at-