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clut pas les crises intimes dans plus d’un pays, surtout dans un pays comme l’Espagne. Il y a quelques jours à peine, l’exposition de Barcelone était presque un événement, presque toute la politique au-delà des Pyrénées. Tout semblait se réunir pour donner un intérêt particulier à ces fêtes offertes par une ville industrieuse aux étrangers comme aux Espagnols. La reine régente, Marie-Christine, avait saisi cette occasion pour aller visiter la Catalogne, conduisant avec une généreuse et aimable confiance son jeune fils, un roi de deux ans, au milieu de ces populations indépendantes ; elle était accompagnée de sa cour, du président du conseil, de quatre ou cinq de ses ministres, qui avaient quitté Madrid avec elle, et à son arrivée à Barcelone, par une circonstance bien exceptionnelle, elle était reçue au bruit des canons des plus puissantes escadres étrangères. Pendant les quelques jours qu’elle a passés à Barcelone, présidant à toutes les cérémonies, visitant les usines comme les escadres, recevant tout le monde, la reine Christine a été entourée de toutes les sympathies, de tous les témoignages de la cordialité populaire. Elle a retrouvé à Valence, en continuant son excursion sur le littoral méditerranéen, l’accueil qu’elle avait déjà trouvé à Barcelone comme à Saragosse. Elle a passé heureuse, fêtée et acclamée, à travers ces provinces d’Aragon, de Catalogne et de Valence, si souvent agitées par les révolutions, aujourd’hui pacifiées. Bref, c’est un voyage qui a réussi, qui n’a fait qu’ajouter à l’honnête popularité de la régente, de cette mère prévoyante et loyale dont l’unique soin est de présenter son jeune roi au peuple espagnol. Malheureusement, les fêtes ne sont que des fêtes ; sous les plus brillantes apparences, la politique a toujours ses épines, et pendant ce voyage royal, avant même que la régente fût rentrée à Madrid, une sorte de crise avait déjà éclaté. Elle n’a pas attendu le retour du président du conseil, de M. Sagasta ; elle n’est plus maintenant facile à dénouer, tant elle est compliquée de froissemens, de rivalités et de dissensions intimes, — sans parler des questions de parti qui s’y mêlent.

Comment cela s’est-il passé ? On ne s’y attendait peut-être pas sitôt. Un incident imprévu et assez singulier, d’une nature assez délicate, est venu tout précipiter. En l’absence de la reine, il est d’usage que la première autorité militaire de Madrid aille tous les jours prendre le mot d’ordre auprès de la personne de la famille royale la plus rapprochée du trône. Après le départ de la régente, le capitaine-général de la Nouvelle-Castille, gouverneur militaire de Madrid, le général Martinez Campos, qui est un personnage important de la situation, s’est conformé à l’usage en se rendant tous les jours auprès de l’infante Isabelle, qui a été elle-même un moment princesse des Asturies, héritière du trône. L’infante Isabelle a quitté à son tour Madrid ; il n’est plus resté que l’infante Eulalia, mariée à un fils du duc de