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accentue heureusement dans le bronze la rudesse vivante de sa silhouette hardie. Les sculpteurs doivent assez souvent se défier des procédés courans de la fonte et des infidélités ou maladresses de l’ajustage et de la ciselure pour ne pas s’exposer à de plus grands malheurs en livrant des modèles trop sommaires ou d’une adaptation trop difficile. La Pandore de M. Pépin, évidemment destinée au bronze, et qui n’est point sans mérite, aurait aussi besoin d’une révision à ce point de vue. Le globe minuscule sur lequel se dresse la distributrice de tous les maux, et le nain, gnome ou démon, que ce globe écrase, sont d’une petitesse par trop disproportionnée à la figure qu’ils supportent. L’allégorie d’ailleurs n’est pas claire ; je m’imagine que M. Pépin a voulu représenter le triomphe définitif de la seule vertu renfermée dans la boîte magique sur toutes les misères qui en sont sorties, la victoire de l’espérance sur le mal ; il y a, dans sa composition, des intentions ingénieuses et peut-être profondes ; il est fâcheux qu’elles ne s’expriment pas plus nettement. La Marchande d’amours de M. Lemaire est plus facile à comprendre ; elle est aimable et gracieuse ; mais, avant de nous revenir, elle fera bien d’engraisser sa marchandise.

M. Leenhoff dans sa figure d’Echo, M. Mégret, dans son groupe de Vénus et l’Amour mutin, M. Barthélémy, dans sa Pastourelle du Faune, n’apportent pas certainement le même désir de transformer la tradition païenne par quelque innovation intellectuelle ou décorative. Ce sont des adorateurs respectueux et soumis des chefs-d’œuvre classiques, dont les ouvrages corrects ne prétendent exciter aucune surprise. L’Écho de M. Leenhoff se fait cependant remarquer par le naturel de l’attitude, la délicatesse de l’expression et une certaine distinction générale dans le sentiment et la facture. L’Enfance de Bacchus, par M. Granet, est une imitation par trop flagrante du Mercure volant de Jean de Bologne, auquel le sculpteur a seulement confié le soin d’emporter dans son voyage aérien un marmot de bonne humeur. On n’est pas surpris de trouver plus d’originalité dans le bronze de M. Zacharie Astruc, le Roi Midas, fantaisie amusante, qui aurait pu facilement dégénérer en caricature, mais que l’artiste a su contenir avec goût dans les limites d’une satire enjouée. Cet amateur célèbre, ce judicieux connaisseur, qui préférait les chants de Pan à ceux d’Apollon, est assis sur un siège soutenu aux quatre angles par des têtes d’aigles, symboles de sa supériorité intellectuelle. C’est un bonhomme qui a beaucoup réfléchi, comme on en peut juger par les rides de son front et de ses joues. Il a l’entière conscience de sa valeur. Son air béat de satisfaction vaniteuse, son sourire niais de protection imbécile, ne laissent aucun doute à cet égard. Chargé, comme un