Page:Revue des Deux Mondes - 1888 - tome 88.djvu/178

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

qui surmonte le monument important élevé à sa mémoire dans la ville d’Auray, drapée dans son manteau royal, présente naturellement une silhouette et une masse plus facilement sculpturales. A la hauteur où elle se trouve placée sur un piédestal beaucoup trop élevé pour ses proportions, il n’est guère possible de juger si M. Caravanniez a tiré parti, autant qu’il le pouvait, de la physionomie mélancolique et douce du prince exilé. Les quatre figures historiques qui entourent le piédestal, Sainte Geneviève, Jeanne d’Arc, Bayard, Duguesclin, sont exécutées avec une habileté facile qui frise la banalité. Avec deux autres figures agenouillées d’ecclésiastiques, celle de Mgr Lamazou, évêque de Limoges, pour l’église d’Auteuil, par M. Marquet de Vasselot, celle du Cardinal Pierre Giraud, archevêque de Cambrai, pour la cathédrale de cette ville, par M. Crauk, nous revenons au marbre, qui, entre des mains expérimentées, se prête si bien dans ce cas à des effets prévus, mais toujours renouvelables, tant dans l’accentuation des têtes, presque toujours caractéristiques, que dans le bel arrangement des draperies répandues autour du corps. Sous ces deux rapports, l’ouvrage savamment correct et soigneusement achevé de M. Crauk mérite notamment l’attention et l’estime.

Si les célébrités du jour, grandes ou petites, ont des tendances de plus en plus marquées à se grossir et s’agrandir parfois outre mesure et à revêtir des proportions colossales, les célébrités anciennes semblent prendre plaisir, au contraire, à se rapetisser. De même qu’autrefois, à la suite du Jeune Chanteur florentin de M. Dubois, du Vainqueur au combat de coqs, et du Tarcinus, de M. Falguière, on put voir, pendant plusieurs années, le Palais de l’Industrie envahi par une légion d’adolescens de plus en plus grêles et chétifs, de même aujourd’hui, à la suite du succès obtenu par le Mozart enfant de M. Barrias, on y voit pulluler les grands hommes en herbe à l’état d’écoliers et presque de marmots. C’est ainsi que M. Moreau-Vauthier nous présente le jeune Pascal, un genou en terre, traçant sur le parquet des figures géométriques, que M. Laouet fait chanter à la lune, d’un air sentimental, le jeune Lulli en tablier de marmiton, que M. Hercule montre le jeune Turenne regardant une épée dans une attitude martiale, et que M. Gaudez installe le jeune Molière, apprenti tapissier, son marteau à la main, sur un fauteuil dont il néglige de clouer les passementeries pour lire à la dérobée quelque pièce de comédie. Cette dernière figure est spirituellement et vivement troussée, avec la grâce et la désinvolture que M. Gaudez sait apporter en ces sortes d’affaires. Presque tous les autres artistes ont assez ingénieusement interprété, en les rajeunissant, les visages connus de leurs héros ; mais, c’est bien le cas de