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intensité d’amour commençait déjà à se produire autour de cette colline ; l’élection de Sion était faite pour l’éternité.

La pose de l’arche dans sa tente sur le mont Sion fut donc une heure décisive dans l’histoire juive, bien plus décisive en un sens que l’érection du temple lui-même. L’un de ces actes, d’ailleurs, était la conséquence de l’autre. Pour la nécessité des sacrifices, un autel fut élevé devant la tente. C’était un autel taillé, ayant des acrotères. Il paraît que David pensa souvent à élever autour de l’arche une maison permanente en pierres. L’idée de ces maisons des dieux, très vieille en Égypte, faisait en ce moment le tour du monde. Les Grecs s’en emparaient et dressaient de petits habitacles à leurs xoana. Les anciennes populations chananéennes n’avaient pas de temples ; mais Tyr et Sidon, plus influencées par l’Egypte, en avaient ; les Philistins en avaient. Quand même des textes, modernes, il est vrai, ne nous diraient pas que David eut l’idée de bâtir une maison pour y mettre l’aron, il faudrait le supposer a priori. Les métaux précieux que David rapporta de ses expéditions contre les Araméens, les Ammonites et les autres peuples, furent consacrés à Iahvé, pour être convertis en ustensiles religieux. Mais les revenus nécessaires pour de grandes constructions n’étaient pas encore assez assurés. Peut-être aussi la désorganisation momentanée qui marqua les dernières années de David empêcha-t-elle la réalisation du dessein qu’il avait formé. Les restes des écoles de prophètes de Rama étaient d’ailleurs très contraires à l’érection d’un temple. L’ancienne simplicité du culte leur convenait bien mieux. Quant aux tribus du Nord, elles avaient toutes sortes de raisons politiques et religieuses pourvoir l’érection d’un temple à Jérusalem de très mauvais œil.

C’est également à David qu’il faut faire remonter la première organisation, très rudimentaire encore, du sacerdoce de Iahvé. Jusque-là, il n’y avait pas en Israël de sacerdoce national. Chaque sanctuaire avait ses lévis et ses cohanim, plus ou moins héréditaires, maniant l’éphod avec un droit presque égal. L’arche n’était nullement le point unique où l’on trouvait Iahvé et où l’on venait le consulter. Pendant que l’arche est à Kiriat-learim, en particulier ; on ne voit pas du tout que ce point ait été un grand centre religieux. Abihadab et ses fils suffisaient au culte. Les prêtres de Silo et les prêtres de Nob avaient plus d’importance, les premiers descendant d’Éli, les seconds de cet Ahimélek qui donna à David l’épée de Goliath et que Saül fit mettre à mort. Par la translation de l’arche à Jérusalem, le sacerdoce se régularise. Dans le court tableau que nous possédons des grands fonctionnaires de David, à la suite du sar-saba, du sofer et du mazkir, figurent deux cohanim,