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Les restes de la famille de Saül étaient aussi une cause d’agitation. Un certain Séraeï, fils de Géra, qui demeurait à Bahourim, près de Jérusalem, Meribaal lui-même, quoique comblé de bienfaits par David, n’attendaient qu’une occasion. Des parens ou des alliés de David, tels que Amasa, fils d’Abigaïl, sœur de Serouïa, qui était par conséquent cousin germain de Joab, des brouillons comme un certain Ahitofel, de Gilo, n’aspiraient qu’à des nouveautés. Absalom donnait à tous ces mécontentemens disséminés un centre de ralliement. Amasa était au plus mal avec Joab. On disait que son père Jitra était un Ismaélite, qui n’avait pas été régulièrement marié avec Abigaïl. Ahitofel, grand donneur de conseils, mêlé à toutes les affaires, était particulièrement dangereux.

Joab vit le danger et essaya d’amener un rapprochement entre le père et le fils. La colère du vieux roi ne pouvait être abordée de front. Joab employa une voie détournée. Une femme de Thékoa, à laquelle il avait fait la leçon, prouva au roi qu’un père se punit en punissant son fils. Absalom fut rappelé à Jérusalem ; après de très longues hésitations, la réconciliation fut opérée, grâce aux instances réitérées de Joab.

Mais un esprit agité ne sait pas attendre la fatalité des choses. Absalom voulait être sûr de succéder au trône, et il aspirait à y monter le plus tôt possible. Il se procura un char, des chevaux et cinquante coureurs qui couraient devant lui. Il se plaçait le matin sur les routes qui conduisent à Jérusalem, s’adressait aux gens qui venaient trouver le roi pour une affaire, dépréciait la justice royale et faisait entendre que, s’il gouvernait, tout irait bien mieux. Beaucoup de gens lui rendaient hommage. L’opinion répandue qu’il serait roi après David lui faisait un parti de tous ceux qui voulaient se donner l’avantage d’avoir été les premiers à saluer le soleil levant.

Résolu à brusquer les événemens, Absalom feignit un vœu qu’il avait fait à Iahvé, étant à Gessur, et qu’il ne pouvait accomplir qu’à Hébron. David le laissa partir. Ces vœux de personnes royales, entraînant d’énormes tueries de bêtes, étaient de grandes parties de plaisir, où l’on invitait ses amis. Deux cents Jérusalémites sortirent avec Absalom pour participer à ses sacrifices et à ses festins. Absalom se mit alors en révolte ouverte, se fit proclamer à Hébron, et annonça qu’au signal de la trompette, il serait roi d’Israël. Ahitofel de Gilo (village voisin d’Hébron) se joignit à son parti. L’affaire grossit avec une rapidité inouïe. Entre un souverain près de mourir et un héritier présomptif dont l’avènement paraît certain, l’égoïsme humain n’a pas coutume d’hésiter. Jérusalem même bientôt ne fut plus sûre. David résolut d’en sortir et d’aller chercher un refuge au-delà du Jourdain.