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le christianisme eut le pouvoir de les persécuter. L’exemple avait été donné par des empereurs païens. Au temps de Dioclétien et de Maximien, la secte avait pris de la force et pénétrait dans la province d’Afrique, où elle jeta bientôt de profondes racines. Les mêlant avec les chrétiens, ces deux empereurs ordonnèrent que leurs livres et leurs docteurs fussent brûlés, que leurs sectateurs fussent punis, que les plus honorables de ces derniers fussent condamnés aux mines et que les biens de tous fussent confisqués. — Valentinien, empereur chrétien, fit un édit qu’on peut lire au code théodosien, interdisant les réunions des manichéens, mettant leurs docteurs à l’amende et confisquant les maisons où ils s’assemblaient. Il paraît que la principale de ces maisons était celle d’un Consenti us, homme très riche, dont la propriété pouvait faire envie. — Gratien fit de nouveau cesser les réunions des manichéens. — Théodose II les priva du droit de tester, les fit rechercher à Rome et dans le reste de l’empire et ordonna qu’ils fussent chassés de partout. À cette époque, Priscillien fondait une secte annexe de celle de Manès ; elle professait à peu près les mêmes doctrines et se rattachait d’un autre côté aux chrétiens, dont elle fréquentait les églises. L’évêque Ithacius livra Priscillien aux juges séculiers et aux juges ecclésiastiques.

Sous Valentinien III, le pape saint Léon commença, en 443, à poursuivre les manichéens cachés dans Rome et brûla leurs livres. Il exhorta le peuple à les découvrir et à les déférer au tribunal ecclésiastique. Il fit contre eux un discours où il dévoilait leurs dogmes criminels, disant que « leur loi était le mensonge, leur religion le diable, et leur culte une turpitude. » C’était le contre-pied de la vérité, puisque, comme bouddhistes, ils luttaient à armes courtoises contre l’ignorance et le mensonge, contre Mâra et contre l’idolâtrie. Par les délations de ceux qu’on arrêta dans la ville on sut quels docteurs, évêques ou prêtres, ils avaient dans les provinces et dans les cités. Alors saint Léon tint à Rome un concile où ils furent condamnés selon les lois impériales. À ce concile assistaient, outre des évêques et des prêtres, beaucoup de sénateurs, de notables et une partie du peuple. Le pape écrivit à tous les évêques d’Italie pour leur recommander de poursuivre ces « hérétiques » et de les inquiéter de toutes les façons. Par l’habileté du même pontife, Valentinien III punissait comme sacrilèges les manichéens et leurs fauteurs, et permettait à toute personne de les accuser d’un crime d’état. — Un autre empereur, barbare du Nord, nommé Oupravda de son vrai nom et qui ne savait ni lire ni écrire, se permit de prendre parti dans les discussions religieuses, punit de mort entre autres les manichéens, dont beaucoup furent envoyés