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sacrifices humains en bloc, qui déshonorèrent le temps de Saül et de David. Parfois Salomon alla même jusqu’à une sorte d’éclectisme religieux. Les orthodoxes crurent ensuite tout expliquer en attribuant cette tolérance à l’influence des femmes étrangères, qui, selon eux, devint plus impérieuse sur Salomon à mesure qu’il vieillissait. Ces femmes lui auraient inspiré de la froideur pour le culte de Iahvé, et l’auraient entraîné vers les cultes exotiques. Ainsi les Sidoniennes le rendirent pieux envers Astarté ; les femmes ammonites lui firent révérer Milik ou Milkom. C’est là sans doute une imagination enfantine. La tolérance de Salomon fut la conséquence de toute la direction de son règne. Dans l’intérieur de Jérusalem, Iahvé, à ce qu’il semble, n’eut pas de concurrent. Mais la colline des Oliviers, vis-à-vis de Sion, compta beaucoup de sanctuaires païens, que l’on retrouve aujourd’hui. Camos, le dieu moabite, eut aussi son haut lieu. De tous les côtés, les femmes brûlaient de l’encens et sacrifiaient à leurs dieux. Les nombreux étrangers de Jérusalem, notamment les ouvriers phéniciens, faisaient de même. Aucun dieu n’était encore assez exclusivement le vrai Dieu pour chasser absolument les autres. A Tyr, le temple de Melqarth, dieu aussi jaloux que Iahvé, n’empêchait pas qu’il n’y eût dans les faubourgs des chapelles à d’autres dieux, tels qu’Esmoun, Astoreth. Loin de mettre Iahvé hors de pair, le temple de Salomon proclamait au fond que Iahvé n’était qu’un dieu comme un autre, non inférieur, mais de peu supérieur à tous les autres, au moins hors de l’espace de terrain qui lui était spécialement consacré.


VI

Les grands règnes coûtent toujours très cher. Israël n’avait ni commerce ni industrie pour couvrir ses dépenses. Les bois de construction, les artistes et les ouvriers, Salomon était obligé de les demander aux Tyriens, qui profitaient du besoin qu’on avait d’eux. Nous avons déjà vu Salomon s’acquitter envers Hiram par des livraisons de céréales et de bestiaux. Vers la fin du règne, il fallut procéder à des aliénations de territoire. Salomon dut céder à Hiram vingt villes de la Galilée, à l’ouest du lac Houle, dans la région de Iaron et de Maron. C’était ce qu’on appelait le pays de Caboul. Il paraît que Hiram fut mécontent du paiement. C’est pourtant un très beau pays, bien supérieur comme richesse au reste de la Palestine. La créance devait évidemment être énorme.

Le mécontentement éclatait de toutes parts. L’opposition ne s’attaquait pas seulement au gouvernement de Salomon ; elle atteignait