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placer la composition de ce recueil après le schisme, dans les tribus du Nord.

Salomon ne fut donc pas un écrivain. Déterminer avec précision. l’état de la littérature hébraïque à cette époque, ou, pour mieux dire, énumérer ce que l’on possédait d’écritures à Jérusalem et en Israël, au moment du schisme, serait chose tout à fait impossible. Quand Juda et Israël séparèrent décidément leurs destinées, vers l’an 975 avant Jésus-Christ, il y avait plus de cent ans que l’écriture était d’un usage habituel chez les tribus israélites. Le règne de David laissa, des notes d’histoire militaire d’un étonnant caractère de réalité, dont quelques-unes sont venues jusqu’à nous. Il est plus difficile de reconnaître ce qui vient du règne de Salomon dans la prose effacée des histoires postérieures. En quel état existaient, mille ans avant Jésus-Christ, ces Toledoth ou généalogies qui devaient servir de base à la future histoire primitive de la nation ? On l’ignore tout à fait. Les souvenirs nationaux étaient encore à l’état traditionnel et non écrit. L’imagination se nourrissait des histoires héroïques du temps des Juges ; on récitait les beaux cantiques de cet âge ; on y voyait un genre déjà près de mourir, que David fut peut-être le dernier à cultiver.

Le moment capital pour ces grandes poésies nationales n’est pas celui où on les écrit ; c’est celui où on les chante. Quand Isfahani écrivit le Kitâb el-Aghâni, la vieille poésie arabe était déjà morte. Certes, il n’est pas impossible que, dès l’époque de Salomon, il existât un divan lyrique ; mais ce n’est pas là le recueil dont des parties considérables nous ont été conservées, tandis que les recueils paraboliques de Salomon paraissent bien avoir été le noyau des compilations qu’on mit plus tard, sous son nom.

N’existait-il pas aussi, dès le temps de David, ou de Salomon, un commencement d’histoire sainte ? Le canevas de l’Hexateuque n’était-il pas déjà tracé par écrit ? Le vieux fonds d’idées babyloniennes, que le peuple portait comme le fonds le plus ancien de son bagage traditionnel, n’était-il pas en partie fixé par l’écriture ? Cela nous semble peu probable, quoiqu’on ne le puisse dire impossible. L’espèce de carte de géographie du chapitre X de la Genèse paraît se rapporter au temps de Salomon. Le chapitre XIVe de la Genèse tranche si fortement sur la prose environnante qu’il faut le supposer antérieur aux plus anciennes rédactions de l’Histoire sainte. L’Hexateuque le plus ancien, celui qu’on appelle « jéhoviste, » est déjà d’un ton piétiste qui dépasse fort les sentimens religieux du temps de David, et surtout de Salomon. Le livre des Guerres de Iahvé ou le Iasar y est cité. L’Histoire sainte, nous apparaît donc tout entière comme une œuvre pieuse, parallèle aux écrits des