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incidens. Or, dans le règlement des plus grosses difficultés politiques par les juges, c’est l’incident qui devient le principal. Les considérons d’un arrêt rendu dans une cause de mur mitoyen se trouvent contenir la sanction ou l’interprétation définitives des lois constitutionnelles. On appelle devant la cour l’affaire du citoyen Hylton qui refuse d’acquitter la taxe des voitures. Le débat va bientôt s’élargir et porter sur les pouvoirs du congrès en matière d’impôts. La plainte d’un milicien réfractaire condamné à l’amende permettra au tribunal de traiter les plus hauts problèmes relatifs au droit de paix et de guerre.

Nous ne saurions donner ici qu’une idée très sommaire des sentences nombreuses et variées, dont l’ensemble, classé méthodiquement, formerait un code complet de législation constitutionnelle.

Tous les pouvoirs ont vu leurs attributions discutées et définies par les tribunaux. Voici d’abord l’exécutif. Tantôt ses devoirs et ses droits sont déterminés dans leur essence et leurs rapports généraux avec les autres organes du gouvernement. Tantôt le juge s’efforce d’établir la responsabilité respective de divers agens exécutifs ; il s’attache à distinguer les cas où le chef de l’état couvre personnellement ses subordonnés par sa responsabilité, et à préciser ceux dans lesquels les ministres et les fonctionnaires ne sont que les agens de la loi, et par suite individuellement responsables de leurs propres actes. Puis, c’est entre les prétentions rivales du président et du sénat, relativement à la révocation des secrétaires d’état (ministres), que la magistrature suprême doit statuer. Elle déclare que le concours de la haute chambre n’est pas nécessaire.

Dans un autre procès, ayant trait à la convocation des milices, les pouvoirs militaires du président font l’objet de la discussion. A quelle autorité appartient-il d’apprécier l’urgence de cette mesure défensive en cas de guerre ou d’insurrection ? Est-ce à l’état particulier ou au gouvernement national, au congrès ou au président ? La cour suprême du Massachusetts s’était prononcée pour l’état particulier. Mais la cour suprême fédérale, à plusieurs reprises, décide souverainement en faveur de la prérogative présidentielle. Plus tard, au sujet des troubles du Rhode-Island (1841-1842), la question reparaît encore, et la décision première est confirmée par une sentence nouvelle.

Survient la guerre de sécession, qui réveille la controverse dans des circonstances exceptionnellement douloureuses. Après un débat solennel, dont l’ampleur répond à la gravité de la crise, un arrêt, conforme aux précédens, maintient l’ancienne jurisprudence. La cour suprême, amenée à définir incidemment le droit de paix et de guerre, cherche à déterminer la part du président et celle du