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latine leur fut adressée pour leur exprimer le plaisir qu’on trouverait à les recevoir et à se réjouir avec eux. Il n’est pas surprenant que cette invitation ait été bien accueillie. L’université de Bologne a joui d’une si grande célébrité, elle a rendu tant de services à l’enseignement du droit, que les autres ont regardé comme un devoir de venir lui témoigner leur reconnaissance. Ce devoir était d’ailleurs un plaisir ; la fête promettait d’être brillante, elle avait pour cadre un des plus beaux pays du monde, que l’art et la nature ont comblé de leurs dons. On sait aussi que, de nos jours, les savans, comme les autres, ont l’humeur voyageuse, et qu’ils ne résistent guère aux occasions qu’on leur offre de sortir de chez eux.

Ces raisons expliquent comment près de 400 professeurs se sont trouvés réunis à Bologne au commencement du mois de juin. Ils venaient de toutes les parties du monde ; il y en avait non-seulement des divers pays de l’Europe, mais de l’Asie et de l’Amérique. Ces jeunes universités américaines, dont la naissance est d’hier, et qui d’ordinaire doivent la vie aux libéralités énormes de quelque riche industriel, avaient tenu à rendre hommage à leur sœur aînée. Dans l’Inde anglaise, l’université de Bombay ; celles d’Adélaïde et de Sydney, dans l’Australie, s’étaient fait représenter. La Nouvelle-Zélande avait envoyé deux évêques, un anglican et un catholique : c’était vraiment une réunion du monde entier.

Naturellement, pour les nations qui sont plus voisines de l’Italie, et qui entretiennent avec elle des rapports plus- fréquens, les délégués étaient très nombreux. L’Angleterre en avait 24, l’Autriche 23, l’Allemagne 27. On avait craint un moment qu’à cause des circonstances politiques la France ne s’abstint. Elle a vite compris qu’à ce rendez-vous de la science elle ne pouvait pas manquer. L’Université de Paris a été, pendant tout le moyen âge, la rivale de gloire de celle de Bologne, Elles sont presque contemporaines : à l’époque même où Irnerius enseignait le droit avec tant d’éclat sur les rives du Reno, Abélard attirait les écoliers autour de lui, sur la montagne Sainte-Geneviève. Dans l’Europe entière, pendant tout le moyen âge, quand un père destinait son fils à occuper les grandes charges de l’église ou de l’état, et qu’il voulait lui donner une éducation qui pût l’y préparer, il lui disait, en le munissant d’une bourse bien garnie : « va-t’en à Paris ou à Bologne, vade Parisius vel Bononiam. » Bologne et Paris ont été les modèles sur lesquels se sont formées toutes les universités du monde. Il n’était pas possible d’oublier, après huit siècles, cette vieille confraternité. Nos facultés, héritières de l’Université de Paris, devaient à ces anciens souvenirs de prendre part aux fêtes de Bologne, et elles n’y ont pas manqué. Dix-huit professeurs composaient la délégation française.