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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.




31 juillet.

Rien certes n’aura manqué à nos plaisirs en ces quelques jours qui viennent de passer, rien surtout n’aura manqué pour mettre une sorte d’animation plus bruyante que sérieuse dans ce qui peut s’appeler encore notre vie publique.

Duel de M. le président du conseil avec M. le général Boulanger, fête du 14 Juillet, banquet des maires au Champ de Mars, inauguration du monument de M. Gambetta au Carrousel, voyage de M. le président de la république en Savoie et en Dauphiné, derniers débats des chambres avant la séparation, grèves tumultueuses succédant aux agitations parlementaires, tout s’est réuni. Tout se mêle, et ce qu’il y a de plus caractéristique dans ce mouvement confus, assourdissant des choses, c’est qu’on sent que tout est factice, incohérent et vain, qu’il n’y a ni vérité ni simplicité dans tous ces incidens, dans toutes ces démonstrations et ces apothéoses dont on finit par se faire un jeu. On sent que nous assistons à une sorte de mélodrame qui ne représente en rien la vie du pays. Qu’est-ce que le pays encore aujourd’hui dans son ensemble ? C’est cette masse nationale qui travaille sans bruit, qui féconde le sol et préfère le labour ou l’atelier aux grèves toujours meurtrières, qui aimerait assez qu’on s’occupât de ses affaires en lui assurant la paix de ses foyers, la protection prévoyante de ses industries. Que voit-il le plus souvent devant lui, ce pays honnête et laborieux ? Il voit des scènes de théâtre, des fêtes bruyantes, des exhibitions vaniteuses, des manifestations à l’occasion de tous les anniversaires, des inaugurations de statues sur toutes les places ; il voit des partis qui, au lieu de se dévouer aux affaires publiques, passent leur temps à préparer la ruine des institutions, et un gouvernement qui, au lieu de remplir son rôle, laisse tout faire, qui croit représenter le progrès parce qu’il porte au pouvoir l’infatuation radicale. Il entend des déclamations à tout propos, des discours où les ministres lui déclarent que la république est triomphante et a conquis