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sentimens pour moi. Quoique je ne doute pas qu’il ne vous rende un compte exact de ceux que je lui ai témoignes : pour vous, je veux encore ajoutée que je n’oublierai rien pour entretenir, avec vous, une amitié parfaite et pour vous montrer, en toute occasion, que je suis, madame ma sœur, votre bon frère.

« LOUIS. »


Le grand roi n’a jamais écrit rien de plus flatteur. Séduit, lui-même, par Saint-John, il voulait achever de le gagner à la cause de la paix par ce témoignage irrécusable d’une confiante sympathie.

La convention du 21 mai réglait, suivant le désir de l’Angleterre, les questions relatives au renvoi du prétendant, à la reconnaissance, par le roi de France, de la succession protestante en Angleterre, aux prétentions de la Savoie sur la Sicile, à l’envoi, en France et en Espagne, de deux ambassadeurs qui devraient tout d’abord s’assurer que l’importante affaire des renonciations est définitivement conclue. L’acquiescement de Philippe était réservé.

« Immédiatement après le retour de Bolingbroke en Angleterre, mande Louis XIV à Bonnac le 22 août, la reine, sa maîtresse, doit envoyer auprès de moi le duc d’Hamilton. Il y demeurera d’abord sans caractère, et le principal motif de son voyage sera de voir arriver et enregistrer dans les parlemens de mon royaume la renonciation du roi d’Espagne… Le comte de Lexington doit, en même temps, partir de Londres et passer en Espagne pour être aussi témoin de l’admission que les états de ce royaume feront de l’acte du duc de Berry et du duc d’Orléans. Il aura ordre de signer l’article secret qui regardera, la cession de la Sicile au duc de Savoie… C’est du roi, mon petit-fils, que dépend présentement la conclusion de la paix par la diligence qu’il apportera dans l’expédition de l’acte de sa renonciation dans la forme, qui lui est demandée, c’est-à-dire portant la substitution du duc de Savoie.

« Vous verrez, mande le même jour de Fontainebleau, le roi de France à Philippe, par le compte que vous rendra le sieur de Bonnac de l’état de la négociation avec l’Angleterre, que la conclusion de la paix dépend présentement de vous et de la diligence que vous y apporterez. Aussi, je n’ai nulle inquiétude du succès, connaissant, également les intérêts et les intentions de votre Majesté. »

Torcy, de son côté, veut se féliciter avec Mme des Ursins de l’heureuse issue de ses négociations, qui lui cause une joie bien légitime. « J’espère, madame, que vous aurez le plaisir de voir l’Angleterre abandonner les vilains Hollandais et faire incessamment sa paix particulière. Elle dépend aujourd’huy du roi d’Espagne, et je crois qu’il ne doit pas être fâché de voir un ministre d’Angleterre nommé pour Madrid, avant même que le traité soit encore conclu. »