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renonciations réciproques du roi d’Espagne à la couronne de France et des princes français à la couronne d’Espagne, ainsi que pour la radiation des lettres patentes du mois de décembre 1700, par lesquelles Louis XIV a réservé les droits de Philippe V au trône de France ; la harangue du premier président qui expose et commente les intentions royales ; les réquisitions de l’avocat-général Joly de Fleury et les conclusions du procureur-général, enfin le vote de toute l’assemblée, qui opine simplement du bonnet ; puis la morgue des ducs et pairs, qui affectent de ne point se lever sur le passage du premier président de Mesmes et des conseillers quand ils se rendent à la buvette afin d’y prendre « les grandes robes rouges et les épitoges » qu’ils doivent revêtir pour « la séance d’en haut[1] ; » la lenteur impertinente des magistrats, qui, pour se venger, « prolongent leur toilette plus de trois gros quarts d’heure ; » la bruyante impatience des pairs, l’interminable longueur des cérémonies publiques de l’enregistrement et du cancellement ; l’attitude, à la fois irritée et piteuse, « du bonhomme Richelieu » et de M. de Metz, » qui, au grand effroi de leurs voisins, luttent, avec des peines infinies et des contorsions ridicules, contre les impérieuses exigences de la nature, et, pour finir, le touchant désespoir du pauvre Charles de France, qui, de retour à Paris, se laisse tomber dans un fauteuil, affirme qu’il est déshonoré, s’écrie, à travers de bruyans sanglots : « Ils n’ont songé qu’à m’abêtir et à étouffer tout ce que je pouvais être ; j’étais cadet, je tenais tête à mon frère, ils ont eu peur des suites ; ils m’ont anéanti ; on ne m’a rien appris qu’à jouer et à chasser ; ils ont réussi à faire de moi un sot et une bête, incapable de tout, et qui ne sera jamais propre à rien, qui sera le mépris et la risée du monde ! »

Heureusement pour la dignité française, Shrewsbury ne fit qu’entrevoir ces petitesses, toute son attention ayant été absorbée par la lecture des renonciations et des lettres patentes que le parlement venait de transcrire sur ses registres. On connaît les premières. Il est indispensable, pour compléter cette étude, de reproduire les dispositions finales des secondes.

Après avoir longuement et clairement exposé les précédens historiques, « les succès heureux qui ne l’ont point ébloui, » les revers qui ne lui ont point fait perdre confiance dans la Providence divine, les méfiances de l’Europe qui « semblaient mettre un obstacle insurmontable à la paix, parce qu’elle craignait de voir, un jour, les

  1. Les séances d’en bas se passaient, ou plutôt étaient censées se passer à huis-clos ; celles d’en haut étaient publiques. On venait de confirmer, par un vote secret, les volontés du roi ; il s’agissait maintenant de les consacrer, de les promulguer, comme le dit Saint-Simon, par une délibération publique.