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conférer avec le prince et recevoir ses instructions. Du 7 au 16 octobre, il réunit tous les matins ses trois principaux lieutenans. « Dans ces conférences, a dit Changarnier, où d’importantes questions militaires, politiques et administratives furent traitées, le jeune gouverneur, moins verbeux que mes collègues, quoiqu’il parle volontiers et bien, montra un esprit cultivé, réfléchi, attentif aux petits détails, qu’il aimait peut-être un peu trop. »

Parmi les questions traitées, il y avait au premier rang l’application d’une ordonnance royale du Ier septembre, qui réglait à nouveau l’administration de l’Algérie. Le directeur-général des affaires civiles et le conseil supérieur étaient maintenus dans leurs attributions, mais les trois directions de l’intérieur, des finances et des travaux publics étaient supprimées, et les services dont elles avaient eu charge étaient centralisés, au chef-lieu de chaque province, par un directeur des affaires civiles assisté d’un conseil de direction. Ce fonctionnaire devait préparer le travail du général commandant la province pour tout ce qui concernait les affaires administratives en territoire civil ou militaire.

Quant aux indigènes, ils étaient placés tous, sans distinction de territoire, sous la tutelle exclusive des bureaux arabes, mais ils restaient soumis, en matière criminelle, à la juridiction des tribunaux français. Comme don de bienvenue, le duc d’Aumale leur apportait une amnistie très large, qui autorisait le retour en Algérie d’un grand nombre de leurs coreligionnaires détenus en France.

Sans aborder le problème de la colonisation, qui n’est pas de notre sujet, nous pouvons dire cependant que le prince-gouverneur se préoccupait d’obtenir, par le cantonnement équitable et graduel des tribus arabes, sans spoliation ni atteinte aux droits garantis par la capitulation d’Alger, les terrains nécessaires à l’établissement de la population européenne.


II

Après le règlement des affaires urgentes, l’attention du duc d’Aumale devait se porter naturellement du côté du Maroc, où les incidens les plus graves se succédaient rapidement et sans relâche. Dans les premiers jours de juin, immédiatement après le départ du maréchal Bugeaud, le courrier d’Oran avait apporté au général de Bar la nouvelle d’une collision sanglante qui aurait mis aux prises les Kabyles du Rif avec les partisans d’Abd-el-Kader ; mais sur le résultat du conflit il y avait désaccord ; suivant une certaine version, c’étaient les Rifains qui auraient eu le dessous, et c’était le contraire suivant un autre dire.

Voici, d’après le témoignage de M. Léon Roches, secrétaire à la