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augmenterait fort peu, parce qu’au moyen d’un triage sagace on supprimerait en huit jours cette inepte broutille de dossiers secondaires qui ne viennent à Paris que pour la forme, se promènent ensuite, — toujours pour la forme, — entre « messieurs les ministres et chers collègues » de ceci et de cela, sont communiqués à des conseils consultatifs pour obtenir des avis que l’on connaît d’avance, sont plusieurs fois renvoyés aux préfets « pour complément d’instruction, » et qu’un employé attentif et zélé ne laisse aboutir que quand ils sont suffisamment gonflés, tels qu’une volaille que l’on tue seulement lorsqu’elle est parvenue à son dernier période d’engraissement.


IV

Et cet élagage auquel on se livrerait à Paris, on le pratiquerait également en province. Le ministre, dans sa proposition de loi sur les sous-préfets, déposée à la chambre quelques semaines après les votes retentissans de suppression et de rétablissement de ces fonctionnaires (février 1887), parle « d’un certain nombre de formalités matérielles d’une faible utilité dont on pourrait décharger ces agens pour faciliter leur tâche… La plupart de ces formalités résultent, dit-il, non de textes législatifs, mais d’instructions ministérielles, et peuvent, par conséquent, être modifiées ou abrogées par voie de circulaires. » Recueillons ce précieux aveu de l’existence de « formalités d’une faible utilité, » — ce qui, à parler franc, signifie parfaitement inutiles, — que des instructions ministérielles ont engendrées. Et, après l’avoir recueilli, demandons aux locataires de la place Beauvau s’ils ont, depuis le mois de février 1887, supprimé ces formalités « par voie de circulaires. » Ce serait une rare occasion de faire servir une circulaire à quelque chose. Il est produit annuellement, par chaque ministère, une moyenne de cent cinquante circulaires plus ou moins confidentielles ; c’est une maladie chronique. Les trois quarts sont inutiles, se contredisent à de courtes distances, et finissent, pour le plus grand profil de tout le monde, par être négligées ou rapportées.

« Un bureau du gouvernement, disait un Anglais, sir Charles Fox, ressemble à un filtre renversé ; .. vous y envoyez des comptes clairs, ils en sortent embrouillés. » cette remarque, qui n’est pas sans fondement, même en France, s’applique surtout au rôle joué par bien des instructions ministérielles, qui souvent ont créé à plaisir des difficultés dans l’application des lois qu’elles prétendaient éclaircir. Nous n’avons que faire des témoignages de la sollicitude de l’état pour le bonheur des individus. Récemment, le ministre de l’intérieur prenait la plume pour faire connaître aux