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le sens du titre est obscur : leur caractère, leur mode d’action très sommairement indiqués. Étaient-ce des fonctionnaires ordinaires? Avaient-ils un caractère strictement religieux? Ils semblent avoir été constitués en collèges. A coup sûr, leur destination spéciale était la prédication ; ils la devaient distribuer d’abord aux fidèles bouddhistes, mais aussi à tout le peuple de l’empire. Ils sont, dans la pensée du roi, destinés à entretenir le zèle des autres fonctionnaires ; ils sont leurs catéchistes et leurs surveillans attitrés ; de leur zèle dépend le zèle de tous les autres. « Comme un père est rassuré quand il a remis son enfant aux soins d’une nourrice expérimentée, c’est ainsi que j’ai institué les rajjoukas pour le bien et le bonheur de l’empire. » Aussi ont-ils entre tous une situation privilégiée. Pour qu’ils puissent vaquer sans inquiétude à leur ministère, ils ne dépendront que du roi directement : à lui seul il réserve toute poursuite qu’il y aurait lieu d’exercer contre eux. C’est à leurs soins qu’il semble confier une mesure digne de son esprit charitable. Il veut que désormais un délai de trois jours soit, avant l’exécution, laissé aux condamnés à mort ; il veut ainsi leur donner le temps de faire quelque aumône, de pratiquer quelque jeûne qui les serve pour l’autre vie. Son désir est que, même au fond de leur cachot, ils puissent travailler pour l’au-delà. Mais c’est le rôle des rajjoukas dans l’amonsanyâna qui paraît avoir constitué la plus solennelle, sinon la plus importante, de leurs attributions.

Neuf cents ans plus tard, quand le pèlerin Hiouen-Thsang venait, du fond de la Chine, visiter les lieux sanctifiés par la présence du Bouddha et consacrés par sa légende, il retrouvait, pratiquées encore, non-seulement dans l’Inde, mais dans les pays bouddhiques qu’il traversait au nord-ouest pour s’y rendre, ces assemblées quinquennales, devenues annuelles en plusieurs lieux. Le temps en avait plus ou moins altéré le caractère. Les moines et les libéralités faites aux moines y tenaient la place importante. Celle qui y était laissée encore à l’exhortation religieuse, à la discussion théologique, restait comme une marque d’origine. C’est un bel exemple de vitalité ; il fait honneur à l’institution et à son fondateur.

A côté de l’enseignement, la surveillance ; l’action à côté du conseil. On peut croire que Açoka, tel que nous le connaissons, ne la Néglige point. A vrai dire, je ne doute pas qu’il ne l’ait exagérée. Nous l’avons entendu parler de ces « officiers de la religion » (dharmamahâmâtras) qu’il créa dans la quatorzième année de son règne. Ils s’occupent de tout, se mêlent à tout. Toutes les sectes, tous les corps religieux sont sous leur contrôle. Ils ont à veiller sur tous les malheureux, tous les faibles, tous les déshérités. Ils exercent leurs fonctions à Pâtalipoutra et dans les provinces, jusque dans les demeures des frères, des sœurs, des autres parens du roi. C’est