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donc le remède, le jour où une crise se déclarait par l’impuissance avérée du radicalisme mis en présence de ses œuvres ? Il n’y en avait qu’un, un seul manifestement : c’était de former un ministère avouant sans équivoque et sans faiblesse la pensée de raffermir tout ce qui a été ébranlé, de rendre au pays la paix civile, aux intérêts la protection, aux croyances la sécurité, par une politique de tolérance, d’énergique vigilance et de réparation. C’était la solution, et si cette généreuse et virile tentative devait rencontrer des difficultés dans la chambre, si elle devait conduire à un appel au pays, on se serait du moins présenté devant la France dans l’attitude d’un gouvernement résolu à maintenir une trêve de bien public. Malheureusement, de toutes les combinaisons, c’est celle à laquelle on paraît avoir le moins songé : on a préféré se rejeter dans les petits artifices, dans les transactions douteuses, dans les rajustemens de concentration républicaine. C’est tout le secret de ces négociations où se sont perdus huit jours durant, et M. le président de la chambre Méline, et M. Tirard, et tous ceux qui se figurent qu’avec des ministres tels quels, les premiers venus, et des expédiens on peut encore faire son étape.

Assurément, M. le président Méline, qui a été le premier appelé, est un homme bien intentionné, conciliant, ami de l’agriculture et de la paix. Il n’aurait pas demandé mieux que de marier dans un ministère l’eau et le feu, la politique conservatrice et la politique radicale. Il est même allé jusqu’à offrir des portefeuilles à M. Ribot, à M. Casimir Perier, — à condition toutefois de laisser la porte ouverte à quelque radical. M. le président de la chambre y a mis tout son zélé avec une honnête inexpérience. Par deux fois il s’est laissé engager par dévoûment dans une œuvre sur laquelle il ne s’était peut-être fait dès le premier instant aucune illusion. Il a fini par s’effacer, et à défaut de M. Méline, c’est M. Tirard qui est entré en scène, qui a réussi à arranger un cabinet où il a rassemblé, avec quelques hommes nouveaux, tous les revenans des anciens ministères : M. Rouvier aux finances, M. Fallières à l’instruction publique, M. Faye à l’agriculture, M. Constans à l’intérieur, un avocat de Lyon, M. Thevenet, à la justice. M. Tirard, d’un coup de sa baguette, a fait de plus de M. Spuller un chef de notre diplomatie, d’un radical des plus accentués, M. Yves Guyot, un ministre des travaux publics. M. de Freycinet, qui a été peut-être l’énigmatique arbitre de la crise, est resté à la guerre. Le résultat est moins un vrai ministère parlementaire qu’une réunion d’hommes qui ne pourraient se soutenir longtemps devant la chambre, ni même rester unis entre eux s’ils avaient une politique. Les successeurs de M. Floquet semblent n’être au pouvoir que pour continuer ce qu’on appelle la politique républicaine à leur manière, pour réaliser une concentration mitigée, ou si l’on veut, pour jouer le même air en le jouant mieux, et la déclaration que ; le nouveau président du conseil est allé lire à la chambre est le reflet