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crise qui ne cesse de s’aggraver, qui passionne le parlement et l’opinion en Hongrie. Depuis quelques semaines en effet, la discussion de la malheureuse loi se prolonge au milieu des plus étranges péripéties et des scènes les plus violentes. Ce n’est pas une discussion, c’est un combat que soutient l’opposition hongroise, prétendant défendre les libertés, les droits, les privilèges nationaux et constitutionnels de la Hongrie. La fixation du contingent, le volontariat, les examens des officiers, les droits de la langue hongroise dans le service, tout devient occasion de luttes nouvelles, de discours enflammés et d’accusations irritées contre le ministère. Le comte Albert Apponyi, pour l’opposition modérée, conduit vigoureusement et habilement cette campagne. Vainement l’empereur François-Joseph, malgré son deuil récent, s’est rendu à Budapesth pour tâcher d’apaiser cette effervescence. Vainement aussi le président du conseil, M. Tisza, qui a mis son point d’honneur à obtenir la loi militaire, s’est décidé à faire des concessions sur les points les plus délicats : l’agitation n’a point cessé ; elle n’a fait au contraire que s’étendre et s’envenimer. Elle s’est traduite, il n’y a que quelques jours, dans une manifestation populaire qui a parcouru les rues de Pesth et a été haranguée par les plus véhémens orateurs du parlement. Et de Pesth, le mouvement de protestation a gagné les provinces. Les chefs de l’opposition modérée d’ailleurs ne sont pas sans mettre un certain calcul dans leur campagne. Ils ont été accusés d’être les ennemis de la triple alliance : ils se sont énergiquement défendus de toute intention d’hostilité contre la politique de l’empire et contre l’Allemagne. Au fond, cette agitation a commencé contre la loi militaire ; elle est surtout dirigée maintenant contre M. Tisza, dont la popularité et l’ascendant, après un long règne ministériel, semblent toucher au déclin. M. Tisza lui-même paraît le sentir. Le comte Jules Andrassy aurait, dit-on, prévenu l’empereur que le président du conseil devait se retirer. Étrange retour des choses ! M. Tisza arrivait, il y a quatorze ans, au pouvoir comme chef triomphant de l’opposition libérale. Il est probablement destiné aujourd’hui à faire voter la loi militaire et à tomber lui-même sous le poids de son impopularité.

Tout se préparait depuis quelques jours pour la session nouvelle en Angleterre. Les combattans ont aiguisé leurs armes. Les chefs de partis ont déployé leurs drapeaux dans les meetings avant de se rencontrer à Westminster. Le ministère a fait son plan de campagne, et le chef de l’opposition, M. Gladstone lui-même, est revenu des pays du Midi, où il était allé retremper sa verte vieillesse, pour reprendre la lutte contre la politique de lord Salisbury, pour entrer avec une vigueur nouvelle dans cette session, qui est plus que la cinquantième de sa vie publique. Aujourd’hui les débats sont ouverts. La reine a parlé, elle a remis aux lords et aux communes les affaires de l’Angle-