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ils ne sont pas chrétiens ; si je ne puis procurer l’extrême-onction à ma mère mourante, elle part sans viatique pour le grand voyage ; si je ne suis marié que devant le maire, ma femme et moi, nous vivons en concubinage ; si je n’ai pu confesser mes péchés, je n’en suis pas absous, et ma conscience chargée cherche en vain la main secourable qui la soulagera de son fardeau trop lourd ; si je ne puis faire mes pâques, ma vie spirituelle avorte ; il lui manque l’acte suprême et sublime par lequel elle doit s’achever, la participation mystique qui aurait uni mon corps et mon âme au corps, à l’âme et à la Divinité de Jésus-Christ. — Or aucun de ces sacremens n’est valable, s’il n’a pas été conféré par un prêtre, lui-même marqué d’un caractère supérieur, unique, indélébile, par un dernier sacrement, qui est l’ordre et ne peut être conféré que sous certaines conditions ; entre autres conditions, il faut que ce prêtre ait été ordonné par un évêque ; entre autres conditions, il faut que cet évêque[1] ait été institué par le pape. Par conséquent, sans le pape, point d’évêques ; sans évêques, point de prêtres; sans prêtres, point de sacremens; sans sacremens, point de salut. Ainsi l’institution ecclésiastique est indispensable au fidèle ; il lui faut le sacerdoce canonique et la hiérarchie canonique, pour l’exercice de sa foi. — Il lui faut davantage, s’il est fervent, imbu du vieil esprit chrétien, ascétique et mystique, qui retire l’âme du monde pour la tenir incessamment en présence de Dieu. A cet effet, plusieurs choses sont requises : d’abord, les vœux de chasteté, de pauvreté et d’obéissance, c’est-à-dire la répression perpétuelle et volontaire du plus fort instinct animal et des plus forts appétits temporels; ensuite, la prière assidue, surtout la prière en commun, où l’émotion de l’âme prosternée croît par l’émotion des âmes environnantes ; au même degré, la piété active, je veux dire l’accomplissement des bonnes œuvres, éducation et charité, en particulier l’accomplissement des besognes rebutantes, service des malades, des infirmes, des incurables, des idiots, des fous, des filles repenties; enfin, la règle, sorte de consigne rigoureuse et minutieuse, qui, prescrivant et ramenant chaque jour les mêmes actes aux mêmes heures, donne l’habitude pour auxiliaire à la volonté, ajoute l’entraînement machinal à l’initiative réfléchie, et finit par introduire la facilité dans l’effort. De là, les communautés d’hommes ou de femmes, les congrégations, les couvens : eux aussi, comme les sacremens, comme le sacerdoce et la hiérarchie, ils font corps avec la croyance et sont les organes inséparables de la foi.

Avant 1789, le catholique ignorant ou inattentif, le paysan à sa

  1. Exception pour les prêtres ordonnés par un évêque de rite grec.