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bas degré est l’éther. Les trois fluides sont les propriétés de l’éther. Ce ne sont pas non plus les modes de la substance. Ils sont moins que substance et plus que modes, de même que les trois propriétés primordiales ne sont pas trois substances, mais ne sont pas non plus les modes de la substance divine. Lamennais admet donc l’irréductibilité des trois fluides primitifs. On voit qu’il est en opposition avec les idées qui ont prévalu depuis et qui tendent à considérer les trois agens comme trois modes du mouvement ne se distinguant que par la diversité des sensations qu’ils produisent. « Ce qui fait croire à leur unité, dit-il, c’est leur inséparabilité ; mais leur différence est essentielle et non pas accidentelle. »

Maintenant, étant donné qu’il y a d’un côté trois propriétés de l’être, la force, la forme et l’union des deux, et de l’autre côté trois agens physiques, la lumière, la chaleur et l’électricité, qui nous assure que ces trois agens correspondent aux trois principes ? Lamennais reconnaît que l’on ne peut le démontrer. Mais la théorie donnant d’un côté trois principes, et l’expérience donnant de l’autre trois agens, n’y a-t-il pas là une correspondance remarquable ? Si ce ne sont pas ces trois là, où seraient-ils ? Et ces agens eux-mêmes, au nombre de trois, à quoi répondraient-ils, si ce n’est aux trois principes ? L’identité est donc vraisemblable et n’est pas contredite par les faits. Cependant Lamennais, quoi qu’il en dise, est obligé de faire une assez grande violence aux faits pour identifier les agens et les principes.

Il lui faut d’abord un principe de force. Lequel choisira-t-il ? Ce pourrait être tout aussi bien la chaleur que l’électricité ; car l’une comme l’autre manifeste une force motrice. Il choisit l’électricité, par la raison que cet agent ne se manifeste à nous que par le mouvement : c’est donc l’électricité qui sera le principe de la force. Il en résulte évidemment que tous les mouvemens à l’origine ont dû être produits par l’électricité. Mais on ne voit rien de semblable. Toute la mécanique en général, et la mécanique céleste en particulier, n’a nul besoin de l’électricité. On ne voit donc pas comment le principe de la force résiderait exclusivement dans l’électricité.

Si nous passons à la lumière, on comprend aisément qu’on en fasse le principe de la forme : car elle est ce qui rend les formes visibles, les révèle et les fait apparaître. Mais Lamennais va plus loin ; la lumière n’est pas seulement pour lui ce qui rend la forme visible, la révélatrice des formes, elle en est encore le principe constitutif et générateur ; elle est la semence des formes. Mais comment la lumière serait-elle le principe de la forme tangible ?