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au concert, de chaque côté de l’orchestre, deux groupes se faisaient pendant : l’un de jeunes garçons, l’autre de fillettes. Les pauvres enfans étaient aveugles. Ils ne devaient pas comprendre grand’chose à ce qu’ils entendaient, ne pouvant le lire, et nous songions que le plus grand des musiciens, quand il a écrit la symphonie Héroïque, ne l’a point expliquée, mais nommée seulement; qu’il l’a composée avec la souveraine liberté du génie et que nous-mêmes, lorsque nous l’écoutons, il nous laisse libres aussi. Pourtant, au milieu du finale de l’œuvre sublime, après les fantaisies et les sourires du début, quand tout à coup certaine gamme de violens s’élance, quand éclate le thème guerrier, rythmé comme le pas des bataillons allant à la victoire, vous tous que cette explosion foudroyante fait tressaillir, est-il besoin alors de gloses et de commentaires pour que vous sentiez l’héroïsme vous battre dans le cœur ?

Que M. d’Indy, malgré tout, n’aille pas nous croire aveugle ou sourd aux très grands mérites de son talent: nous apprécions ses rares facultés, tout en regrettant la direction qu’il leur donne. De son Wallenstein, le premier morceau nous a plus qu’intéressé; c’est un tableau rempli de vie, de mouvement, d’entrain et de gaîté guerrière, sans tapage ni trivialité. La fugue même des bassons, abstraction faite de ses prétentions descriptives, est un assez plaisant exercice pour ces quatre instrumens tortueux et grondeurs. S’il se rencontre çà et là des motifs trop inspirés de Wagner, notamment de la marche funèbre de Götterdämmerung, d’autres, par exemple un mouvement de valse lente, sont fort heureusement trouvés. Et puis les motifs en question plaisent, dans le premier morceau, par une fleur de nouveauté que leur enlèvent, dans les morceaux suivans, les retours et les redites innombrables. Car voilà un autre inconvénient de la composition wagnérienne : sous prétexte d’unité, elle arrive à l’uniformité, et le dernier opéra d’une tétralogie ou le dernier morceau d’une symphonie ressemble à la table des matières d’un livre.

La seconde partie nous a paru trop touffue; il manque ici un beau chant d’amour. Mais de pareils chants ne se trouvent pas comme une combinaison de petits motifs. Et puis les d’Indy ne veulent pas de ces mélodies-là, ou bien elles ne veulent pas d’eux. Signalons cependant la fin du morceau; il y règne une profonde mélancolie, sobrement exprimée par quelques notes de hautbois et une solennelle tenue de cor.

Quant au finale, le système du compositeur y est porté à son comble, et aussi la fatigue de l’auditeur, du moins du pauvre auditeur que nous sommes.

Répéterons-nous une dernière fois que, malgré nos dissidences, nous tenons M. d’Indy pour un musicien de haute valeur? qu’il sait de