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trois ou quatre mille jacobins de nouvelle pousse, non moins vérifiés et présentés, qui. en vertu de leur brevet civique, siégeaient au club de la rue Saint-Honoré ; et la seconde coterie était encore plus dominante, plus exclusive, plus partiale que la première. — Par suite, avant la révolution, le poids de l’impôt était léger pour les gens riches ou aisés, accablant pour les paysans ou le menu peuple ; au contraire, depuis la Révolution, les paysans, le menu peuple, ne payaient plus l’impôt[1], et aux riches, aux gens aisés, le gouvernement prenait tout, non-seulement leur revenu, mais aussi leur capital. — D’autre part, après avoir nourri la cour de Versailles. Le trésor public nourrissait la plèbe de Paris, bien plus dévorante ; et, de 1793 à 1796. L’entretien de cette plèbe lui coûtait vingt-cinq fois autant que, de 1783 à 1786, l’entretien de cette cour[2]. — Enfin, à Paris comme à Versailles, les subordonnés qui étaient là au bon endroit, tout près du râtelier central, tiraient à eux de toutes leurs forces et mangeaient beaucoup au-delà de leur portion congrue. Sous l’ancien régime, « dans chaque voyage aux maisons de campagne du roi, les dames d’atour, sur leurs frais de déplacement, gagnaient 80 pour 100, » et une première femme de chambre de la reine, en sus de ses appointemens, se faisait 38,000 francs par an sur la revente des bougies[3]. Sous le régime nouveau. dans la distribution des vivres. « les matadors de quartier, » les patriotes des comités révolutionnaires prélevaient leur part d’avance, et une part très ample, au préjudice îles affamés de la queue, tel, sept rations pour sa bouche, et tel autre vingt[4]. — Ainsi l’iniquité subsistait ; en la renversant, on n’avait fait que l’aggraver, et. si l’on voulait bâtir à demeure, il fallait y mettre un terme ; car, en tout édifice social, elle introduit un porte-à-faux. Que le porte-à-faux soit à gauche ou à droite, peu importe : tôt ou tard, la bâtisse s’effondre ; c’est de cette façon que l’édifice français avait déjà croulé deux fois, la première fois en 1789, par la banqueroute imminente et par le dégoût de l’ancien régime ; la deuxième fois, en 1799, par la banqueroute effective et par le dégoût de la révolution.

  1. La Révolution, I, 354 à 361. — Stourm. les Finances de l’ancien régime et de la Révolution, I, 171 à 177. — (Rapport de Ramel, 31 janvier 1796.) « Ou aurait de la peine à le croire : les propriétaires fonciers doivent aujourd’hui au trésor public plus de 13 milliards. » — (Rapport de Gaudin, germinal an X, sur l’assiette et le recouvrement des contributions directes.) « Cet état de choses constituait un déficit annuel permanent de plus de 200 millions. »
  2. L’Ancien Régime, p. 127 et la Révolution, III, 533. (Environ 1,200 millions par an pour le pain de Paris, au lieu de 45 millions pour la maison civile et militaire du roi à Versailles.)
  3. L’Ancien Régime, p. 87. — Mme Campan, Mémoires, I, 291, 292.
  4. La Révolution, II, 151. et III, 500.