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heures par semaine ; les enfans du même âge employés « industriellement » chez eux ne peuvent travailler plus de cinq heures par jour. Puis les jeunes gens de quatorze à dix-huit ans, et toutes les ouvrières, quel que soit leur âge, ne peuvent travailler plus de cinquante-six heures et demie par semaine dans les industries textiles, ni plus de soixante heures dans les autres fabriques et dans les ateliers. Enfin, toutes ces catégories d’ouvriers protégés par la loi ne peuvent être employés la nuit ni le dimanche, ni même l’après-midi du samedi. Une série d’acts étendent ces dispositions, avec quelques faibles tempéramens et beaucoup de mesures de détail plus ou moins restrictives, aux magasins et en partie au travail familial.

Il nous a semblé bon d’énumérer la législation des différens pays île l’Europe en cette matière : nous avons pris dans ces indications le docteur Adler pour guide. Reste la France, que nous avons réservée. Elle interdit dans les établissemens industriels la durée de travail pour les enfans au-dessous de douze ans, sauf des exceptions pour certaines industries où l’entrée à dix ans est tolérée. De dix à douze ans, dans ces dernières, la journée maxima est de dix heures ; de douze à quatorze, l’on distingue si l’on a reçu ou non l’instruction primaire : l’enfant ne l’a-t-il pas reçue, il ne travaillera que six heures ; l’a-t-il reçue, on suppose, sans doute, que ses forces physiques en sont accrues, il pourra travailler douze heures ; pour tous les jeunes gens au-dessous de seize ans et pour les jeunes filles de moins de vingt et un ans, le travail est interdit la nuit et un jour par semaine (l’absurde préjugé anticlérical auquel notre démocratie est niaisement assujettie a empêché de désigner le jour) ; enfin, pour tous les ouvriers, la journée maxima est de douze heures. Mais l’on est en train de changer tout cela : une loi, votée par la chambre des députés et actuellement soumise au sénat, va beaucoup plus loin : elle interdit pour les femmes de tout âge le travail de nuit et elle limite pour tous les ouvriers, quels qu’ils soient, la durée de travail à onze heures. Ces mesures sont à la fois excessives en ce qu’elles diminuent la liberté des ouvriers majeurs, et insuffisantes en ce qu’elles permettent une journée trop longue aux enfans de douze à quatorze ou quinze ans occupés dans les fabriques. On eût beaucoup mieux fait d’adopter purement et simplement la loi allemande, qui, parmi toute cette législation industrielle si touffue et si vacillante, est la plus raisonnable.

Pour un homme qui réfléchit, c’est-à-dire qui ne consulte pas uniquement l’impulsion de son cœur, porté à l’idéal, mais qui cherche à voir les choses dans leur ensemble, les rapports des unes aux autres, qui tient compte des nécessités de la vie de la dureté inévitable de la destinée humaine, des droits de la liberté