Page:Revue des Deux Mondes - 1889 - tome 92.djvu/685

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

signer une convention analogue à celle que les États-Unis venaient de conclure sur le sujet. Ce document est un résumé des griefs des Australiens, dont le premier ministre de Sa Majesté se fait le porte-parole. Il proteste cependant du désir qu’entretient bien sincèrement le gouvernement britannique d’avoir pour les sentimens du peuple chinois tous les égards dus à une nation avec laquelle l’Angleterre tient à rester sur le pied de la plus étroite amitié. — N’y a-t-il pas dans ces paroles, rapprochées des propositions qui suivent, une ironie énorme qui n’a pu échapper qu’au « noble marquis ? » — Depuis un certain temps déjà, ajoute-t-il en substance, les colonies australiennes ont pris des mesures destinées à restreindre l’immigration chinoise ; et, récemment, à une sentence de la cour suprême déclarant illégale l’interdiction faite à certains Chinois de débarquer, la législature coloniale a répondu par des mesures plus restrictives encore ; « Il a paru au gouvernement de la reine que cette action de la part de la Nouvelle-Galles était préjudiciable au traitement de la question par voie diplomatique. » — C’est la seule réserve que contienne ce document ; ceci dit, lord Salisbury redevient le transmetteur des griefs australiens. — La conférence intercoloniale, continue-t-il, en vue d’aider à la conclusion d’un arrangement international, a recommandé l’abolition de la taxe établie sur les Chinois mais, considérant que les négociations entre les gouvernemens pourront être longues et que, dans l’intervalle, l’afflux des immigrans pourrait continuer, elle s’est vue « contrainte de légiférer immédiatement en vue de protéger les citoyens contre une invasion qu’ils redoutent, non-seulement pour l’influence qu’elle pourrait avoir sur les salaires, mais aussi sur la condition sociale et morale du peuple. »

Telle est l’entrée en matière d’un ministre des affaires étrangères qui vient solliciter d’un état étranger qu’il renonce aux garanties et aux droits que les traités accordent à ses sujets. Et tandis que lord Salisbury, au nom du gouvernement de la reine, entreprenait de régler la question de concert avec celui de l’empereur de Chine, lord Carrington, gouverneur de la Nouvelle-Galles, donnait, au nom de la même reine, son assentiment aux nouvelles mesures restrictives que lord Salisbury avait déclarées préjudiciables à l’action diplomatique.

Toute l’argumentation de la conférence de Sydney et de lord Salisbury, — qui semble s’être résigné au rôle de canal de communication entre les colonies australiennes et le Tsung-li-Yamên, — toute culte argumentation tombe devant ce fait que la convention signée à Washington n’a pu obtenir la ratification de Pékin. Le gouvernement chinois sera-t-il plus disposé à conclure une convention analogue avec l’Angleterre ? On peut en douter si l’on songe à la