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restait encore délicate et malaisée. Elle fut vite achevée quand ils eurent découvert l’identité du texte inexpliqué avec ceux de Girnar et de Dhauli gravés en lettres différentes et traduits par leur illustre devancier.

Nous ne saunons oublier la part qui revient dans l’œuvre commune à notre grand indianiste Eugène Burnouf, ce qu’il a, le premier, porté de précision et de rigueur dans l’intelligence générale et dans l’interprétation minutieuse de ces monumens. Il s’en est fallu d’assez peu qu’il n’eût l’honneur de les lire le premier. Au lendemain de la découverte de Prinsep, et lui écrivant pour l’en féliciter, il lui racontait comment lui-même il s’était essayé sur les copies anciennes qui lui étaient accessibles; il avait lu huit lettres, il n’avait pu passer outre. Qui sait si, mieux servi par des copies plus exactes, stimulé, éclairé, par l’afflux continuel de monumens similaires, il n’eût pas été jusqu’au bout et devancé Prinsep dans cette glorieuse concurrence ?

Plus de détail serait ici hors de place. Qu’il suffise de constater que ni le travail des explorateurs, ni le travail des interprètes, ne s’est arrêté depuis cette époque. Des séries nouvelles d’inscriptions, plusieurs d’une importance capitale, sont venues fortifier le faisceau; l’inspection renouvelée des monumens, le progrès général dans notre connaissance de l’Inde, ont tour à tour servi l’intelligence de ces textes précieux. Jamais l’étude n’en a été plus active que depuis quelques années. Le dernier mot n’est jamais dit en pareille matière. Des hasards heureux, non immérités, nous viennent encore enrichir parfois. L’hiver dernier, j’avais la bonne fortune de voir l’un des premiers la pierre que le capitaine Deane, un de ces officiers énergiques et instruits qui font tant d’honneur au service de l’Inde, venait, peu de semaines auparavant, de découvrir à Shahbaz-Garhi, tout près de l’inscription connue depuis cinquante ans. Après l’avoir retrouvée, il dut la disputer à l’ignorance et à la cupidité des Afghans musulmans qui habitent les abords de la montagne. La pierre porte les cicatrices que lui ont laissées leurs tentatives de martelage. On lisait encore quelque méfiance, avec beaucoup de curiosité patiente et grave, dans les regards dont me suivaient les natifs, serrés en longues lignes sous leurs burnous blancs, tandis que je copiais l’inscription et que j’en relevais l’estampage. Ironie du hasard : c’était à un édit de tolérance que leur fanatisme s’était attaqué !

En somme, nous possédons actuellement, gravées en deux alphabets différens, les unes sur des piliers, les autres sur le roc, isolées ou groupées en séries, de nombreuses épigraphes que l’on s’est accoutumé à désigner par le nom assez impropre d’édits. La série des quatorze édits sur rocher, connue en six reproductions plus ou