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transmissible est le résultat d’un microbe. Les découvertes qui se sont réalisées depuis ont prouvé l’exactitude de cette assertion. Mais la chirurgie n’avait pas attendu cette démonstration pour en faire son profit, et, sur ce terrain, la pratique a devancé la science de dix années.

M. Pasteur, dans ses études sur les micro-organismes répandus dans l’atmosphère, avait reconnu que ces corps, si ténus qu’il peut en tenir plusieurs millions dans une goutte d’eau, ont cependant des dimensions suffisantes pour qu’on puisse les arrêter au passage avec une couche d’ouate, et qu’ils sont assez lourds pour tomber, par leur poids, au fond des couches d’air, lorsqu’elles sont en repos, comme les poussières tombent au fond des liquides. M. Alphonse Guérin eut l’idée d’utiliser la première de ces propriétés, pour préserver ses amputés de l’invasion des microbes flottant dans l’air des salles. Il réalisa sa pensée en enveloppant, aussitôt après l’opération, le membre qui venait de la subir, dans un épais manchon d’ouate vierge, irréprochable, aussi tassée que possible, et en l’y laissant à demeure.

Le résultat répondit à ses espérances, et le pansement ouaté obtint immédiatement le succès qu’il en attendait. C’est au printemps de 1871 qu’il fit ses premiers essais. Les événemens du 18 mars, du 3 avril, et les journées de mai avaient encombré de blessés les salles de l’hôpital Saint-Louis. La mortalité y était désespérante. Pendant les six mois précédens, M. A. Guérin n’avait sauvé qu’un seul de ses amputés. A partir du moment où il adopta sa méthode, il n’en perdit plus que le tiers. Il vit guérir la moitié de ses amputés de cuisse. Ce résultat fut considéré comme merveilleux. Jamais, de mémoire de chirurgien, on n’avait vu à Paris autant d’amputés vivant à la fois dans le même hôpital.

Cependant, de l’autre côté de la Manche, un chirurgien écossais poursuivait, depuis quelques années déjà, la solution du même problème, en marchant dans une autre voie, mais en s’inspirant également des découvertes de M. Pasteur. M. A. Guérin était parvenu à arrêter les microbes au passage, le docteur Lister entreprit de les faire périr. Parmi les nombreux parasiticides qu’on expérimentait depuis dix ans, il fit choix de l’acide phénique, qui, jusqu’alors, avait été considéré comme le moins incertain d’entre eux ; mais, au lieu de se borner, comme on l’avait fait jusqu’alors, à en imprégner les pansemens, il en étendit l’action à tout ce qui approchait du malade. A l’aide de la pulvérisation, il le répandit dans l’atmosphère de la salle ; il en imbiba ses appareils, il y trempa ses instrumens et ses mains, et y fit plonger celles de ses aides ; il eut soin, en un mot, que pas un germe infectieux ne pût échapper à l’action de l’acide destructeur, et il créa ainsi la