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lumineuses études de M. Baudrillart sur l’état passé et l’état présent de nos populations rurales. Nous nous sommes appuyé aussi sur un certain nombre de monographies locales, anciennes ou récentes, dont quelques-unes font le plus grand honneur à la Société d’émulation de la Vendée. Enfin, nous avons pu nous aider de nos observations et de nos souvenirs personnels. Enfant de ce pays de Vendée, appelé, depuis notre première jeunesse, par nos relations de famille ou d’amitié, et, plus tard, par les devoirs d’une candidature et d’un mandat de député, à le parcourir dans tous les sens, nous avons pu en bien saisir, dans leur unité persistante et dans leurs transformations inévitables, le caractère et l’esprit. Nous avons pu, enfin, nous entretenir, dans notre enfance, avec quelques-uns des survivans de la guerre civile. Notre famille avait eu des représentans, elle avait eu surtout des victimes dans les deux camps. Les souvenirs qui nous ont été transmis des uns et des autres ont été, pour nous, une première leçon d’impartialité, dont nous nous sommes toujours efforcé de profiter et dont on trouvera, nous l’espérons, les fruits dans cette étude.


I

La province de Vendée n’est pas le département de la Vendée ; mais elle lui doit son nom et elle ne se comprend pas sans lui.

Dans la division de la France en départemens, le Poitou fut partagé, de l’est à l’ouest, en trois tranches. La plus occidentale reçut le nom de Vendée. Ce n’était que le nom d’un petit cours d’eau, affluent de la Sèvre niortaise. Une tradition veut qu’on eût pensé d’abord à deux rivières plus importantes : le grand et le petit Lay. On aurait dit les Deux-Lays, comme on devait dire les Deux-Sèvres. Cette dénomination fut rejetée par la crainte d’un mauvais calembour : la malignité publique y trouvait un rapprochement avec la laideur de deux des représentans de la région à l’assemblée nationale. La rivière de Vendée avait d’ailleurs l’avantage de passer par le chef-lieu du nouveau département. Son nom fut préféré.

Le patriotisme local a cherché, pour ce nom de Vendée, une origine symbolique. On prétend le faire dériver des vendes, population slave, dont la trace se retrouve dans toute l’Europe, et on remonte jusqu’au sanscrit pour attribuer à ce nom de Vendes le sens de vaillans. L’assemblée constituante aurait été « prophète sans le savoir en baptisant du nom de vaillant le peuple inconnu