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dans l’origine, très indécises, et les témoignages que l’on possède sur l’un peuvent, en grande partie, s’appliquer à l’autre. Ils appartenaient l’un et l’autre à une même population gauloise, les Piétons, qui s’étendaient jusqu’à la Loire. Le pays de Retz s’est incorporé tardivement à la Bretagne, tandis que le pays d’Herbauges est resté poitevin. Leurs capitales sont également mystérieuses. On croit, d’après la ressemblance des noms, retrouver Ratiatum, l’ancienne capitale du pays de Retz, dans une bourgade du nom de Rézé. Pour Herbadilla, l’ancienne capitale du pays d’Herbauges, aucune conjecture ne paraît plausible. La légende en fait une Sodome ou une ville d’Is, engloutie dans le lac de Grandlieu.

Le pays de Retz, en devenant breton, avait pris place dans l’organisation féodale. Il formait un comté distinct, relevant du duc de Bretagne. Ses limites s’étaient fixées, et il avait trouvé une nouvelle capitale, Machecoul. Le pays d’Herbauges avait perdu de bonne heure son organisation propre, pour ne former qu’une simple région du Poitou, sans limites fixes. On peut affirmer cependant qu’il comprenait tout l’arrondissement des Sables-d’Olonne et la partie orientale de l’arrondissement de La Roche-sur-Yon, dans le département de la Vendée. Or c’est à peu près, avec le pays de Retz, le périmètre dans lequel se renferma l’action de Charette[1]. La ville des Sables-d’Olonne, mise de bonne heure en état de défense et où dominait d’ailleurs l’esprit patriote[2], comme dans presque toutes les villes de la Vendée, resta seule en dehors de l’insurrection, avec quelques communes de plaine, où avait pénétré l’esprit général de la plaine poitevine. Charette essaya de réduire ces communes récalcitrantes ; mais il y renonça, après son échec devant l’une d’elles, Saint-Cyr en Talmondais. La Vendée de Charette ne faisait donc que reconstituer l’ancienne unité des pays de Retz et d’Herbauges. Tout lien n’avait pas d’ailleurs disparu entre les deux pays, lorsqu’ils avaient été rattachés à des provinces différentes. Le Poitou et la Bretagne avaient des Marches communes, qui, jusqu’à la révolution, gardèrent un régime privilégié. On distinguait les Basses et les Hautes Marches. Nous retrouverons ces dernières dans la Haute-Vendée. Les Basses Marches furent le trait d’union

  1. « Quand le catholicisme en révolte contre la révolution appela la Vendée aux armes, 50.000 habitans, descendant des Ratiates, se levèrent le même jour, depuis la Loire jusqu’à l’extrémité méridionale du pagus d’Herbauges et se rangeaient bientôt sous les ordres de Charette, un habitant du Pe-de-Ré (pays de Retz), pour faire face aux armées de la république française. Les courans qui entraînent les peuples dans les grands momens de crise ont toujours des sources lointaines. » (Benjamin Fillon, Poitou et Vendée : Ratiate et les pays de Rais, p. 7.)
  2. Nous prenons le nom de patriote comme nous prendrons plus tard celui de libéral dans le sens relatif que donne au premier depuis la révolution, et au second depuis la restauration, la langue politique.