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vice, et les limites probables de cette force, et les maladies à craindre, et le régime à suivre, et les palliatifs à employer, et les demi-guérisons, et les rechutes ; — et, à la différence de tous les sociologues peut-être, si confians dans la vertu éternelle de l’hygiène qu’ils recommandent, c’est le voisinage perpétuel et les approches constantes île la mort qu’il semble voir sans cesse, très convaincu que la destinée de tous les peuples est de périr très vite, très persuadé qu’une constitution sociale un peu durable est un prodige d’équilibre de forces contraires toujours sur le point de se rompre, disant à chaque instant : si telle chose manque, ou telle autre, « tout est perdu ; » ayant à peine un système, parmi tous les systèmes, qu’il croie un peu moins imparfait que les autres, système du reste relatif encore et applicable seulement à tel tempérament national, lequel est rare ; théoricien, en un mot, du contingent et du probable, et écrivant surtout un admirable cours de pathologie sociale. — C’est l’éternité politique, au contraire, que Bonald prétend inventer, c’est l’élixir de vie sociale perpétuelle. Les lois sont les rapports nécessaires qui dérivent de la nature des choses ; donc qui trouverait la nature des choses, et non point la nature des choses de tel peuple ou tel pays, mais celle de tout l’univers, sans aller plus loin, trouverait du même coup les lois nécessaires, et non point les lois nécessaires à tel peuple pour qu’il dure un peu plus qu’il ne durerait sans elles, mais les lois nécessaires à tous les hommes de toutes les latitudes et de tous les climats.

Et cette nature des choses, nous l’avons vu, Bonald l’a trouvée, c’est la cause, le moyen, l’effet ; le pouvoir, le ministre, le sujet, et voilà la vérité éternelle. Ce n’est pas la constitution parfaite, c’est la constitution. Il n’y a jamais eu qu’une constitution. Les admirateurs d’Aristote nous parlent des cent cinquante constitutions qu’il a étudiées ; a comme s’il y en avait plus de deux, une bonne et une mauvaise : celle de l’unité du pouvoir et celle de la pluralité des pouvoirs ! « Il n’y en a même pas deux. Il y a la constitution, et l’absence de constitution. Il y a des peuples constitués et ce sont les peuples monarchiques, et il y a des « peuples non constitués » et ce sont les autres. Et maintenant, en possession de notre loi suprême, nous n’avons qu’à en tirer des déductions rigoureuses pour arriver sûrement à toutes les vérités de détail et d’application.

Cette intrépidité de dogmatisme, et cette confiance intraitable dans une idéo générale d’abord, dans la logique déductive ensuite u quelque chose qui confond. Comment ! Jamais de Bonald n’a douté de son axiome initial, de son principe triangulaire ? — Jamais ! — Jamais il ne s’est demandé si cette loi générale, trouvée un matin, et qu’appuient peut-être en son esprit, mais que ne viennent