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capitalistes, à Paris et en province, en ont été réduits à se demander s’il y avait quelque chose, si un mal secret minait le Crédit foncier, si cette grande prospérité n’allait pas s’affaisser au premier souffle, et déjà l’action baissait avec une rapidité inquiétante. Elle partait de 1.365. En quelques jours, au début d’avril, on la voyait reculer jusqu’à 1,200. Les obligations présentaient le même aspect de déroule ; on en jetait par milliers, disait-on, sur le marché, et sans trouver acquéreur. En fait, ces titres, en deux ou trois séances, baissaient de 30 à 40 francs.

Mais ce mouvement était par trop artificiel. Quelques achats opportunément effectués et le bon sens des porteurs ont eu promptement raison des insanités qui se débitaient. L’assemblée du Crédit foncier venait justement de se réunir le 3 avril : le gouverneur, M. Christophle, y avait démontré victorieusement que jamais la situation du Crédit foncier n’avait été plus forte, ni ses opérations plus strictement conformes aux prescriptions des statuts, qu’aucun danger prochain ou lointain ne le menaçait : que le dividende mis en répartition, 62 francs pour 1888, était le résultat légitime d’une activité nu poursuivant aucune lin étrangère aux règles de la plus étroite prudence. Plus vile encore qu’elle n’avait reculé, l’action s’est relevée de 1,200 à 1,305 fr., et les obligations, en une seule séance, ont recouvré leurs plus hauts cours.

Après la clôture de ce singulier épilogue des catastrophes du mois dernier, le marché s’est mis franchement et largement à la hausse, encouragé dans cette direction par l’énorme succès de l’emprunt russe, par le bon marché et l’abondance extraordinaire des capitaux, par la concordance de ces dispositions optimistes avec les tendances régnant à Vienne, à Berlin et à Londres. La paix assurée, la disparition successive de tous les points noirs qui, il y a un an, mouchetaient encore, sans réussir à l’assombrir, l’horizon politique, tel est le fait capital qui soulève les fonds d’état et les porte, sur tous les marchés, à des cours que l’on eût jugés naguère extravagans. C’est à cause de ce puissant facteur de hausse que la politique intérieure ne compte pour ainsi dire plus sur notre place et qu’on ne s’y est inquiété pendant cette quinzaine ni de l’hégire du général à Bruxelles, ni de l’ajournement de la discussion du budget, ni de certaines séances scandaleuses au Palais-Bourbon, ni enfin de la mise en fonctionnement d’un appareil judiciaire des temps jadis au Luxembourg.

La maison Rothschild, à la fin de mars, en pleine crise, offrait aux capitalistes et aux par leurs d’anciens emprunts 5 pour 100 de la Russie un nouvel emprunt russe 4 pour 100 de 700 millions de francs à 89.75. Les demandes de conversion ont été si nombreuses qu’il n’est resté à peu près rien pour les souscriptions en espèces et que celles-ci ont dû se contenter de 1 1/2 pour 100 de leurs demandes. La Russie a encore