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de la chaleur. La privation ou la diminution de l’air respirable ne tarde pas à provoquer des troubles graves dus à la perturbation apportée dans les fonctions vitales par l’insuffisance des échanges entre le sang et l’atmosphère. A supposer que la vie fût possible, en l’absence temporaire, mais un peu prolongée, de la respiration. L’on verrait la température propre s’abaisser beaucoup. La preuve directe de ce fait ne peut être fournie pour les animaux supérieurs, trop sensibles à la privation d’air respirable; mais elle peut l’être, et d’une façon très nette, pour les organismes intérieurs. Nous l’avons vu, en supprimant l’apport d’oxygène d’une fleur d’arum ou de colocasia, en la plongeant soit dans l’huile, soit dans de l’azote, l’on diminue considérablement les phénomènes de thermogenèse.

Enfin, les relations de la calorification avec l’activité de l’organisme sont tout aussi nettes que celles dont il vient d’être parlé : elles sont évidentes chez les végétaux comme chez les animaux. Chez les premiers, en effet, c’est pendant le mouvement, ou chez les parties les plus actives au point de vue de la vitalité, de la croissance, et de l’organisation des tissus, que la production de chaleur est la plus grande : chez les jeunes pousses, dans lesquelles les échanges chimiques sont rapides, nombreux, intenses, chez les fleurs encore, durant l’œuvre de la fécondation.

Chez l’animal, toute activité s’accompagne d’une production thermique plus grande, locale ou générale, selon l’intensité et la durée de cette activité. C’est ainsi que le muscle en voie de contraction dégage plus de chaleur qu’à l’état de repos, et cette production est telle qu’elle augmente aisément la température propre du corps de 2, 3, 5 degrés. Pareillement encore, l’effort mental ou intellectuel donne lieu à un dégagement de chaleur plus considérable. Enfin les glandes, à l’état actif, produisent beaucoup de chaleur, comme on le peut voir par la température de leur sécrétion, ou du sang veineux qui a servi à l’élaboration de celle-ci. C’est ainsi que le sang veineux du rein est plus chaud que son sang artériel, et d’après Claude Bernard, la température du sang de la veine hépatique, qui ramène le sang du foie vers le cœur, est la plus élevée de l’organisme, surtout pendant le travail de la digestion : à ce moment, en effet, le foie est en pleine activité, et les élaborations chimiques qui s’y exécutent sont aussi nombreuses qu’intenses. C’en est assez pour montrer la dépendance de la production thermique à l’égard de l’activité chimique du corps.

En raison des intermittences naturelles, normales, des phénomènes susceptibles de produire un dégagement de chaleur, on pressent que la température d’un être ne saurait être absolument constante. En effet, même chez les animaux les plus homéothermes,