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tuées : tel est le cas pour le bacille de la fièvre typhoïde, d’après Frænkel et Prudden ; contrairement à l’opinion vulgaire, la congélation ne purifie nullement les eaux contaminées.

Mais revenons à notre sujet. Il est intéressant de noter en passant que la sensibilité des fermens figurés aux variations thermiques se retrouve chez les fermens solubles, c’est-à-dire chez les produits de l’activité de certaines cellules, produits doués de quelques-unes des propriétés des fermens figurés. C’est ainsi que la pepsine agit surtout entre 37 et 40 degrés : à 50 degrés, elle agit moins, pour devenir presque inactive à 90 degrés. Le suc pancréatique exerce le mieux son action chimique à 40 degrés : à 20 degrés, il agit peu ; à 60 degrés, pas du tout. Si nous considérons les tissus des êtres complexes, nous constatons des phénomènes analogues. Les cils vibratiles qui garnissent différentes muqueuses se meuvent avec le plus de rapidité à une température donnée, à 35 degrés environ : à 45 degrés, ils s’arrêtent, comme aussi à 0 degré. Le protoplasma des différens êtres, bien qu’on le considère souvent comme partout identique à lui-même, présente aux variations thermiques une résistance fort inégale : ici il meurt à 30 ou 20 degrés alors qu’ailleurs il vit à 0 degré, à — 5 degrés, à — 10 degrés (Nordenskiöld). Nous savons encore que les œufs des oiseaux exigent, pour se développer, une température donnée, à limites très étroites, et qu’on ne saurait franchir sans tuer les embryons ou produire des monstres. Les œufs des invertébrés sont un peu dans le même cas, mais leurs exigences sont moindres et ils s’accommodent de différences thermiques beaucoup plus grandes.

En un mot, chaque être, pour vivre et agir, a besoin de se trouver dans un certain milieu thermique. Les uns sont peu exigeans et s’arrangent de variations considérables ; d’autres, au contraire, ne peuvent résister qu’à de très faibles variations. Enfin, les uns recherchent le froid, et d’autres la chaleur, et cela d’une façon très marquée, comme on le sait, d’après les difficultés qu’on éprouve le plus souvent à acclimater les espèces dans des climats différens. Quelques exemples ne seront pas déplacés ici. La région polaire, avec ses froids prolongés et rigoureux, et nos hautes cimes, toujours revêtues d’un manteau de glace, présentent une faune qui leur est spéciale, une flore qui leur est propre. Mammifères ou insectes, plantes de toute sorte, les êtres qui habitent ces régions où l’homme n’arrive à subsister qu’au prix d’efforts considérables dans la lutte contre le froid ne mènent une vie réellement active que dans les conditions où ils se trouvent : dans un climat tempéré ou chaud, ils dépérissent ou perdent de leur vitalité, et ne s’acclimatent pas véritablement. Les animaux homéothermes qui vivent dans ces régions ont la même température que leurs congénères