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circonstance, paraissent ne pas devoir assister aux cérémonies : c’est la suite de la résolution des souverains, ce n’est pas le signe d’un trouble ou d’une difficulté dans les relations de la France avec des gouvernemens qui n’étaient point après tout nécessairement obligés de célébrer des anniversaires de révolution, de participer aux fêtes de la république. C’est un incident, ce n’est pas un événement. Il n’en sera ni plus ni moins, et tandis que l’Exposition déploiera ses somptuosités à Paris, les souverains auront leurs entrevues. Le roi Humbert ira faire sa visite à Berlin, l’empereur Guillaume ira visiter sa grand’mère, la reine Victoria, et déployer la marine allemande dans les eaux de l’Angleterre. Il y aura deux camps : les affaires de l’Europe ne s’en trouveront ni mieux ni plus mal. Au fond, la situation reste partout ce qu’elle était, à peu près garantie des grandes commotions, sinon des accidens intérieurs auxquels tout le monde est plus ou moins exposé, même sans vivre sous la république.

Chose curieuse! L’état où l’on avait paru éprouver le plus de doutes sur la sûreté intérieure de Paris pendant l’Exposition et où l’on avait exprimé ces doutes de la façon la plus désobligeante, cet état même, l’Autriche-Hongrie, vient de s’apercevoir que personne n’est à l’abri des manifestations, des violences de la rue. Le chef du cabinet hongrois, M. Tisza, ne négligeait rien l’an dernier pour détourner ses compatriotes de venir à Paris, sous prétexte que leurs propriétés seraient en péril, — et, tout récemment, il vient de passer près de deux mois à Pesth, au milieu des émeutes. Il a eu personnellement à braver l’assaut des multitudes furieuses après avoir soutenu les assauts du parlement dans la défense de la loi militaire, et il n’est sorti de cette crise qu’avec une popularité diminuée, avec une autorité compromise; il a été obligé de reconstituer presque complètement son ministère. Hier à peine, c’est à Vienne même que l’émeute a éclaté à propos d’une simple grève de cochers de tramways, et elle n’a pas tardé à se compliquer de scènes sanglantes, d’actes de dévastation. La sédition avait-elle été préparée par les anarchistes? A-t-elle été excitée et encouragée par les antisémites qui sont puissans à Vienne? Toujours est-il que pendant la semaine de Pâques, plusieurs jours durant, dans les quartiers de Favoriten, de Hernals, d’Ottakring, l’émeute s’est déchaînée avec une singulière violence. Des magasins, principalement ceux des israélites, ont été attaqués et pillés. Il a fallu employer les troupes, faire occuper militairement les quartiers envahis par les émeutiers, charger la foule en révolte, et, naturellement, dans ces échauffourées, il y a eu des victimes, des morts et des blessés parmi les soldats comme parmi les bandes qui leur résistaient. La police a été obligée de recourir aux mesures les plus rigoureuses pour rétablir l’ordre à Vienne.

Voilà en vérité qui tendrait à prouver qu’il y a d’autres états que la France et d’autres villes que Paris où des scènes de sédition peuvent